En enquêtant sur la montée de l'abstention, Marianne a rencontré ces citoyens qui ne votent pas. Portrait de l'un d'entre eux, pourtant petit neveu d'un célèbre éditorialiste du Monde.
La France s’ennuie… » écrivait l’éditorialiste du Monde Pierre Viansson-Ponté en février 1968, juste avant que la jeunesse de Mai ne la sorte de sa torpeur. « La France s’ennuie… », reprend en écho, 43 ans plus tard, son petit-neveu Etienne en sirotant un demi. « Sauf que là, les révolutionnaires s’astiquent le mental. Les gens sont vraiment assoupis, et leur seule réaction face à la guignolisation de la politique sera l’abstention ». 29 ans, pull beige, lunettes d’intello, le conseiller clientèle de GDF-Suez est loin de s’en alarmer. Il partage depuis très longtemps l’attitude de défiance de ses concitoyens à l’égard des urnes. Par philosophie, déjà : « Il faut dissocier la vérité du nombre. Pourquoi la majorité devrait l’emporter ? Quand on a admis cela, je ne vois pas comment on peut adhérer au suffrage universel ». L’aversion qu’il éprouve envers la « société du spectacle » revient en boucle. « Les gens qui votent passent de buzz en buzz. Pour moi, le sarkozysme a totalement démoli le pouvoir politique ». Les discours enjôleurs des candidats lui restent en travers de la gorge. Décidément, il ne se connaît pas d’empathie en politique.
La dernière fois qu’il a voté, c’était au deuxième tour de la présidentielle de 2002 : « j’ai suivi la vague des veaux de l’époque, qui ont fait barrage à la peste brune. J’étais jeune ». Il n’est pas prêt de céder à nouveau au « terrorisme intellectuel ». Quand certains lui reprochent ses abstentions au motif que le droit de vote à été conquis dans le sang, il rétorque que « ce n’est pas parce que des gens se sont battus pour le Reich que c’était légitime en soi. Mon père, mes beaux-parents votent. Je ne dévalue pas leur acte, je ne leur impose pas mes certitudes et eux pareil. Il n’y a pas lieu de s’engueuler. C’est eux qui ont le doute, pas moi » glisse-t-il, tranquille. Car pour Etienne, être un républicain convaincu ne passe pas nécessairement par le vote ou l’engagement. « Les corps intermédiaires, les syndicats, c’est ma façon d’être citoyen. Je vais adhérer à la CGT très bientôt. C’est la seule forme de pratique politique dans laquelle j’accepte d’entamer une démarche ». Sans pour autant passer ses samedi dans les manifs, « ces défilés agrées par la police nationale ».
Stéphanie Marteau - Marianne
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