Après cette longue parenthèse épouvantablement sérieuse consacrée à la crise des dettes souveraines, j’ai envie de reprendre le fil de ce blog avec un article des plus légers qui pourra peut-être faire revenir le lecteur et réveiller le commentateur : une prédiction pour 2011 avec des affirmations au futur simple, exclusivement fondées sur mon intuition, voire mon imagination ou mes désirs. Ce n’est donc pas d’économie dont je vais parler ici, mais uniquement de ce petit jeu politique qui passionne tant les observateurs.
L’année 2011 sera en effet l’année de la sélection des candidats qui se présenteront au premier tour du scrutin présidentiel. Aujourd’hui, beaucoup d’incertitudes demeurent. Et pas seulement au PS, pratiquement dans tous les partis, y compris dans le camp présidentiel. Dans un an nous devrions savoir à cette date, pour qui nous aurons l’honneur de pouvoir voter en avril suivant.
Au sein du parti majoritaire, la chute de Sarkozy amorcée par le pseudo-remaniement va se faire de plus en plus voyante et bruyante. Au cours du premier trimestre, il sera acquis que le président a perdu l’essentiel des leviers du pouvoir, acculé à une forme de cohabitation qui le renvoie à son traditionnel domaine réservé. Malheureusement pour lui, ce n’est pas la présidence du G8 ou du G20, dont il ne sortira rien comme à l’accoutumée, qui lui permettra de redorer son blason. Fillon ne commettra rien qui puisse braquer l’opinion publique. Il réussira avec sa réforme de la fiscalité du patrimoine, plutôt équilibrée et consensuelle, à se défaire de l’image ploutocratique du régime Sarkozyste. Sa personnalité triste et déprimante entrera progressivement en résonnance avec l’état d’esprit du pays à mesure que celui-ci prendra conscience de la crise dans laquelle il est enfin entré. Il fera accepter la rigueur comme une juste pénitence. On appréciera son style terne et ennuyeux autant qu’on détestait celui brouillon et exalté de Sarkozy. L’émergence de Fillon sera comme une rupture dans la rupture, l’UMP redevenant une droite gestionnaire, lâche et sans souffle.
Les instituts de sondages prenant l’habitude de tester simultanément les candidatures de Fillon et de Sarko, et l’écart entre les performances potentielles des deux champions de la droite ne faisant que croître, l’UMP emmené par un Copé très conscient de ses intérêts de court terme, finira par faire comprendre à Sarkozy que son temps est fini. Celui-ci préférant s’éviter l’humiliation d’une fronde, annoncera sa décision de ne pas se représenter dès la rentrée 201. Il invoquera un impérieux besoin d’être heureux et en particulier d’un heureux évènement attendu pour le premier trimestre 2012. A l’approche des présidentielles, l’UMP sera déjà entièrement désarkoïsée.
Le camp d’en face ne connaîtra pas une année plus tranquille. La primaire interne ne pourra réellement s’engager qu’une fois que le chouchou des sondages et candidat du tout Paris, aura fait connaître ses intentions. A l’image de Jacques Delors fin 1994, Dominique Strauss-Kahn annoncera à l’automne, au terme d’un insoutenable suspense et d’une émission à audience record, qu’il renonce à la candidature pour cause d’un problème d’agenda lié à la date du prochain G20, évidemment absolument essentiel, et d’une immense tâche qui reste à accomplir au service du monde à la tête du FMI.
Mais très vite, l’information filtrera qu’il a pris sa décision après une vive discussion avec Angela Merkel. DSK aurait alors compris qu’il n’avait absolument aucune chance de pouvoir mettre en œuvre le programme de destruction des souverainetés nationales et de mise en congé de la démocratie qu’il nourrissait pour la France et l'Europe. N’ayant aucune intention de mettre en jeu sa glorieuse respectabilité d’économiste de haut vol dans une présidence qui s’annonçait des plus casse-gueule, DSK finira par réorienter ses ambitions, vers le remplacement de Trichet à la tête de la BCE ou de Barroso à la tête de la commission. Mieux payé et moins risqué !
Le retrait de DSK ne désemparera en réalité guère que Martine Aubry. Eprouvant une répugnance de plus en plus visibles à l’idée de devoir paraître sympathique et désirable pendant 6 mois de campagne et de sourire à des millions de parfaits inconnus, la première secrétaire prétextera des problèmes de santé et demanda à son ami Laurent Fabius qui n’en espérait pas tant, de représenter le bloc majoritaire aux primaires.
A la clôture des candidatures, les primaires socialistes apparaitront comme une lutte de seconds couteaux, mais finalement très ouvertes et probablement passionnantes. Les médias ne sauront qui désigner comme favori et même comme challenger de Fabius, Hollande, Royal, Montebourg, Valls et Moscovic, même si la rivalité des anciens compagnons aura vite sa préférence.
La campagne, intéressante et plutôt de bon niveau, finira par faire émerger François Hollande et Arnaud Montebourg, le premier jouant sur son image de technocrate à visage humain, séduira la gauche gestionnaire sans conviction. Le second donnant plus volontiers dans l’emphase et l’idéologie servant de refuge aux derniers utopistes qui rêvent encore de changer l’Europe et le capitalisme. Au terme d’un second tour aux limites de la violence entre deux personnes qui se détestent ouvertement, le candidat de la gestion l’emportera sur celui de la transformation, mais d’une courte majorité.
A la gauche de la gauche, c’est le coup de théâtre. La réincarnation de Georges Marchais qui crève l’audimat et fait des étincelles à chaque fois qu’il passe dans le poste ne sera pas choisi par le Front de Gauche pour le représenter aux présidentielle. L’appareil du PC préferera se débarrasser de cet allié trop encombrant et trop bruyant qui menaçait de le couper définitivement de ses alliés socialistes. C’est donc André Chassaigne qui représentera le Front de Gauche en 2012. Jean Luc Mélenchon vivra cette mise à l’écart, aussi injuste qu’imbécile, au plus mal. Il accusera le coup, s’enfermera dans le mutisme et menacera même de prendre sa retraite politique.
La percée de Montebourg lors des primaires conjuguée à la mise à l’écart de Mélenchon ouvrira un nouvel espace au sein de la gauche dite de transformation. Jean Pierre Chevènement décidera d’en profiter. Il annoncera sa candidature en octobre. Mélenchon qui ne supportera déjà plus son silence forcé, le soutiendra aussitôt, rapidement suivi par Arnaud Montebourg qui préfèrera la fidélité et à ses idées qu’à la règle qu’il a lui-même fait poser selon laquelle tout participant aux primaires devait s’engager à soutenir celui que le processus aura désigné. Nicolas-Dupont Aignan désespéré de ne toujours pas être testé par les instituts de sondages et dont l’ascension apparaîtra de plus en plus entravée par celle, fulgurante, de Marine Le Pen, rejoindra lui aussi cet étrange attelage à la fin de l’année. La candidature du vieux lion, portée par trois grandes gueules médiatiques semble alors sur les rails, et cette fois avec une chance sérieuse d’aller jusqu’à son terme.
Après avoir imprudemment misé sur la catastrophique Eva Joly qui s’est vite avérée être un épouvantail à électeurs, y compris de bobo de centre ville nourris au bio, les écolos lanceront la candidature de Nicolas Hulot censée leur permettre de devenir enfin des partenaires incontournables de n’importe quelle majorité. Débarrassé de toute dimension libertaire et sociale, le discours vert deviendra presque exclusivement catastrophiste et apocalyptique. Les Français n’auront cependant plus envie de jouer à se faire peur pour l’avenir des générations futures. L’Ecologie n'est déjà plus un moyen d'extérioriser une angoisse systémique diffuse liée à la crise mondiale comme en 2009. On est désormais passé au stade de la peur du Krach imminent ou au désespoir de longue haleine. La candidature Hulot qui semblera porter un combat d'arrière garde ne percera guère, ni dans les sonages, ni même dans le champ médiatique.
Le centre ne parviendra toujours pas, ni à s’organiser, ni à intéresser. Bayrou commencera à comprendre qu’il est le seul à croire en son destin présidentiel et ça commencera à se voir. Ne supportant plus les sarcasmes des journalistes qui le renvoient sans cesse aux scores pitoyables du Modem aux élections locales et aux persistantes dissensions qui règne dans son mouvement groupusculaire, il alterne entre l’outrage offusqué à élu du peuple dans l’exercice de ses fonctions et le déni de réalité semblant relever de la psychiatrie lourde. C’est d’ailleurs ainsi que finira l'aventure du Modem. Bayrou sera hospitalisé, officiellement pour malaise bénin du à une grosse fatigue, en réalité pour dépression nerveuse justifiant cure de sommeil et lourd traitement médicamenteux. Il disparaîtra des écrans radars au cours de l’été, dans l’indifférence presque générale.
Jean Louis Borloo enragera de voir son meilleur ennemi être mis sur orbite par l’UMP. Il multipliera les manœuvres aux sein des milieux centristes pour asseoir sa propre candidature ainsi que les interventions médiatiques où il prodiguera ses conseils avisés mais néanmoins assassins à un premier ministre accusé d’être gentil et plein de bonnes intentions mais de ne vraiment pas savoir s’y prendre avec les affaires de l’Etat. Le couple Fillon-Borloo replacera alors peu à peu le couple Sarkoy-Villepin dans les médias avides de rivalités inextingibles et de combats virils.
Dominique de Villepin connaîtra en effet une mauvaise passe. Trop occupé par son procès Clearstream au cours du premier trimestre, il ne parvient toujours pas à adosser sa pré-candidature à une vraie dynamique. Incapable de trouver des idées à la hauteur de son verbe et de donner corps à l’épopée qu’il aimerait conduire, ses discours et ses flamboyantes apparitions médiatiques tourneront à vide. Le putsh Fillon-Copé n’arrange guère ses intérêts. La mission qui était la sienne, bouter le nain hors de la République et refermer la parenthèse Sarkozy, l’UMP s’en est chargé elle-même. Face à ses anciens ministres, la critique se fera moins dure, le propos plus bienveillant, l’offre de service plus hésitante.
Les sondages ne mesureront toujours aucune dynamique en sa faveur, ni dans les intentions de vote, ni dans les sondages de popularité. Villepin apparaîtra de plus en plus hésitant. En fin d'année, on ne lui connaîtra toujours ni programme, ni axes de campagne, ni équipe autour de lui. La rumeur dira qu’il négocierait une alliance avec Borloo, un soutien des résidus du Modem voire de Ségolène Royal. et des quelques groupies qui lui resteront au terme de sa pitoyable campagne. On annonce que son éventuelle campagne pourrait être lancée fin janvier par la sortie d’un nouveau livre et un discours qui devrait faire date et que celle-ci devrait être « épique et chevaleresque »
A droite, comme à gauche tout le monde est tétanisée par l’idée d’un nouveau 21 avril que certains voient à l’endroit et d’autres à l’envers, tant la précampagne est dominée par la personnalité de Marine Le Pen. Elle éclaboussera tous ses concurrents par son talent oratoire et destabilisera profondément le jeu politique avec des propositions de plus en plus inclassables. C’est elle qui fera l’agenda. Elle rythmera la campagne par ses prises de position savamment équilibrées entre le dérapage contrôlé à caractère populiste et l’analyse économique la mieux articulée. Tout en conservant tous les attributs d’un vote contestataire, Marine s’efforcera au cours de l’année de renforcer la densité intellectuelle de son image, n’hésitant plus à se référer explicitement à des travaux de philosophes, de sociologies, d’économistes ou de démographes, aux grand drame de ces derniers qui systématiquement croiront utile de prendre fermement leur distance avec cet objet politique non identifié.
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En fin d’année 2011, l’issue de la campagne apparaît des plus indécises. Hollande et Fillon sont donnés à peine au dessus de la barre des 20%, immédiatement talonnés par Marine Le Pen dont la cote vient de franchir les 17%. Chevènement et Villepin ne sont guère éloignés avec des scores variant entre 10 et 15 % selon les instituts de sondages, beaucoup moins lorsque Borloo est également testé. L’incertitude de l’issue conjuguée à la qualité globale du plateau suscite un début de passion des Français pour cette campagne qui ne fera que croître ensuite. Les émissions politiques, portées par de remarquables scores d’audience, réapparaitront à l’antenne et en particulier la mythique «heure de vérité ». Les adhésions dans tous les partis exploseront. Le climat commencera à se tendre sérieusement dès le début de campagne entre les pros et les antis, les enthousiastes et les inquiets, la droite et la gauche, ceux qui voudront changer le monde et ceux qui resteront convaincu qu'on ne peut que s'y soumettre.
Sentant confusément qu’elle a prochainement rendez vous avec l’Histoire, et peut-être très vite, la France renaîtra au cours de l’année 2011 à elle-même en redevenant une grande nation politique, suscitant ainsi l'admiration ou l'inquiétude de ses voisins.
X. Malakine
PS : Inutile de vous enthousiasmer ou de vous inquiter outre mesure à la lecture de ses prédictions. Je m'étais livré au même exercice il y a deux ans et rien de ce que j'avais annoncé (ou presque) ne s'est réalisé !