Dans sa chronique pour Radio Nova, Guillaume Duval revient sur les ressorts écologiques de la hausse du prix des matières premières.
L'inflation a atteint un niveau record en décembre dernier depuis 2008. Est-ce inquiétant ?
Oui, ce n'est pas rassurant. Les prix ont augmenté de 1,8 % en rythme annuel. Principalement du fait de la hausse des prix de l'énergie - +12,5 % sur un an - et des produits frais - + 9,4 % par rapport à décembre 2009. Par contre les autres prix, ce qu'on appelle l'inflation sous jacente, continuent d'évoluer très lentement.
1,8 % ce n'est quand même pas encore une inflation très élevée…
En effet. Ce niveau reste même encore sensiblement inférieur au seuil de 2 % fixé par la Banque centrale européenne. Mais, en 2009, au cœur de la crise, l'inflation avait été négative durant plusieurs mois. Et comme les salaires de ceux qui avaient conservé un emploi - la grande majorité malgré tout - ont continué d'augmenter du fait des hausses négociées en 2008, les ménages ont paradoxalement enregistré durant cette période des gains de pouvoir d'achat relativement importants. Ce qui avait beaucoup contribué à amortir le choc de la crise.
Mais maintenant c'en est fini des gains de pouvoir d'achat…
Oui. Car la - légère - remontée de l'inflation à laquelle on assiste se combine avec une nette décélération des hausses de salaire : alors qu'au premier trimestre 2009, ils augmentaient encore en moyenne de 3,5 % par an, à l'automne dernier ils n'ont plus progressé que de 1,8 %. Autrement dit au niveau actuel de l'inflation. Du coup on risque de se retrouver en ce début d'année, dans la situation où on était déjà au début de 2008 : on l'a oublié tant il s'est passé de choses depuis, mais l'économie française avait été en récession à ce moment là du fait de la hausse des prix du pétrole et des produits alimentaires, avant même que la banque Lehman Brothers ne fasse faillite… A l'époque, ces hausses avaient aussi déclenché des émeutes de la faim dans les pays du Sud. Avec les évènements de Tunisie et d'Algérie on constate aujourd'hui des effets analogues.
Est-ce seulement un mauvais moment à passer ?
Cela parait peu probable. En 2008 comme aujourd'hui, ces hausses des prix de l'énergie et des matières premières sont liées en particulier au dynamisme des économies des pays émergents, Chine en tête. La crise que nous traversons n'est pas seulement une crise financière mais aussi en partie déjà une crise écologique, liée à la rareté croissante des énergies fossiles et des matières premières non renouvelables. Ainsi qu'à une concurrence accrue sur les surfaces agricoles pour des usages non alimentaires et aux effets négatifs du changement climatique sur les productions agricoles.
Que faudrait-il faire pour combattre cette tendance ?
Ce qui caractérise la France et l'Europe c'est l'extrême faiblesse des ressources en énergies fossiles et autres matières premières non renouvelables disponibles sur leur sol. Pour baisser les dépenses publiques, on est en train de restreindre l'effort de conversion écologique de nos économies engagé avant la crise. Il faudrait l'accélérer au contraire pour avoir une chance de limiter l'impact futur de la hausse inévitable des prix des matières premières. Il y aurait urgence aussi à accélérer la transformation de notre modèle agricole et de nos habitudes alimentaires. Mais cela supposerait d'avoir réellement pour priorité de préparer l'avenir…
Guillaume Duval | Article Web - 17 janvier 2011