Pour Maurice Szafran, le « show » présidentiel a atteint ses limites. Impressionnant dans sa campagne de 2007, le discours sarkozien ne trompe plus personne. Dans ces conditions, on peut donc se demander comment la gauche pourrait ne pas profiter de cette rupture entre le chef de l'Etat et les Français.
Les Français ne marchent plus dans la combine « géniale » du président-communicant. Ils l'écoutent ; ils ne le croient plus; ils suivent le show (huit millions de téléspectateurs et plus, l'autre soir sur TF1) ; ils n'en retiennent rien, sinon des mots creux et des formules éculées. Quoi qu'en disent Nicolas Sarkozy et son entourage, ses sorties à répétition - sur les écrans de télé sous de nombreuses formes - sont faites pour retrouver des points dans les études d'opinion. Or, les différentes cotes du chef de l'Etat demeurent basses, très basses. La preuve que « quelque chose » ne passe plus, même si l'on persiste à « admirer » l'artiste.
Reste à déterminer ce qui désormais « empêche » les Français.
COMMUNICANT OU BATELEUR ?
De 2004 à 2007- oui, trois ans ! - Nicolas Sarkozy sut conduire une exceptionnelle campagne électorale (ah, la couillonnerie des socialistes qui osent prétendre que, eux, trois mois leur suffiront...). Il s'avéra en effet un communicant d'exception. Mais cette forme, résolument moderne et novatrice - je parle comme les vraies gens, je fais les mêmes fautes qu'eux - s'appuyait sur un programme, sur des idées, sur des promesses, sur des bribes d’idéologie, aussi contestable tout cela fut-il.
Désormais, le discours de Nicolas Sarkozy ne fonctionne plus car il n'en subsiste que l'absence de résultats et la démagogie. Le fond ? Quel fond ? La réhabilitation de l'argent et sa bonne influence sur la société tout entière... Les idées ? Quelles idées ? Moraliser le capitalisme financier et ramener les traders, les banquiers à la raison et à la décence... Les résultats ? Quels résultats ? La progression ininterrompue du chômage et des agressions physiques contre les personnes... Et l'on pourrait tant et tant multiplier les exemples. Un bon communicant - et Nicolas est bien mieux que ça - ne peut « vendre » que ce dont il dispose. Le chef de l'Etat dispose-t-il encore d'une « came », d'une « marchandise » vendable ? Rien n'est moins sûr.
QUELS BONIMENTS POUR LE BONIMENTEUR ?
En 2007 - ce ne sera jamais suffisamment répété - Nicolas Sarkozy avait réussi une campagne exceptionnelle, sans doute la plus brillante en Ve République. Il parvint en effet à ce prodige : tenir, sans rompre à aucun moment, un fil allant de l'extrême droite (la création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale) au centre gauche (la bourgeoisie était tombée sous son charme, bastonnant allègrement Ségolène Royal), sans jamais négliger une ode républicaine qui, grâce à Jaurès, à Mandel et à... Henri Guaino, ne manqua pas, elle non plus, de faire son effet.
Rien de tout cela, de ce tour de magie politique ne pourra être répété, copié, dupliqué en 2012.
QUELLE CAMPAGNE EN 2012 ?
Disons-le sans détour : aujourd’hui Nicolas Sarkozy n'en sait rien. Il balbutie, il tâtonne, il hésite, il change de pied. A l'été 2010, il lance à Grenoble une campagne nationalisto-sécuritaire teintée de xénophobie. Échec. Depuis, il vise à se présidentialiser (échec) et à s'internationaliser (échec). On dirait une large majorité de Français désormais insensibles à ses charmes, à ses retournements, à ses sautillements.
D’où cette hypothèse en rupture avec celles des meilleurs analystes de la presse d'opposition : et si la rupture entre Sarkozy et les Français - y compris au sein de son propre électorat - était irréversible ? Et si le sortant ne trouvait désespérément pas une nouvelle histoire à raconter ? Et si la communication en politique touchait enfin ses limites ?
Dans ce contexte, pourquoi la gauche, pourquoi l'opposition ont-elles autant la trouille? Nous aurons à l'évidence l'occasion d'y revenir.
Maurice Szafran - Marianne