Christian Vanneste prenant position contre le débat sur l'islam, la nouvelle peut surprendre. Mais cette réaction révèle en filigranes la déroute électorale à laquelle se prépare un Sarkozy de moins en moins capable de s'emparer de thèmes de campagne pertinents.
Ce débat n'est pas un bon débat. » Passée presque inaperçue, la phrase de Christian Vanneste en dit pourtant long sur le bourbier dans lequel a décidé de s’empêtrer l’UMP. En annonçant la tenue d’une convention sur le multiculturalisme, devenue au fil des heures « débat sur l’islam » puis « débat sur la laïcité », Jean-François Copé a réussi à diviser en un temps record sa famille politique. Alain Juppé, Gérard Larcher, Patrick Devedjian… Nombreux sont ceux qui s’inquiètent à droite du déroulement et des conséquences d’un tel débat. Mais la réaction du député du Nord, membre du collectif de la Droite populaire, paraît plus inattendue.
En pleine torpeur estivale, 35 députés UMP, emmenés par Thierry Mariani, créent le collectif de la Droite populaire. Objectif ? Revenir aux « fondamentaux » de la droite pour faire barrage au FN. A cette époque, Marine Le Pen n’a pas encore pris les rênes du parti d’extrême-droite et la menace frontiste commence à peine à poindre. Pourtant, la Droite populaire tire le signal d’alarme et supplie le chef de l’Etat d’opérer un virage à droite toute.
Quelques mois plus tard, la fille de Jean-Marie Le Pen grimpe dans les sondages et l’UMP, prise de panique, lance sur ses talons un groupe de travail composé de Marc-Philippe Daubresse, Thierry Mariani et Catherine Vautrin. Chargé de réfléchir aux stratégies à déployer pour contrer le FN (et accessoirement le PS), la mission vient de rendre son rapport, classé confidentiel par Copé et Sarkozy.
Et pour cette fameuse commission, quoi de plus efficace pour contrer le FN que d'organiser un débat sur l’islam ? L'immigration, le chômage ? Oubliés ! Pour l'UMP, la lutte contre le Front se gagnera sur le terrain de la religion. Un raccourci qui fait grincer des dents Christian Vanneste. « C’est un sujet intéressant sur le plan philosophique mais ce n’est pas un débat prioritaire politiquement, observe le député contacté par Marianne2. C’est un travail qui doit se faire à très long terme et loin des échéances électorales. »
Si même la Droite populaire voit en ce débat une basse manœuvre électoraliste sans intérêt idéologique, Sarkozy a du souci à se faire. Mais le chef de l’Etat reste droit dans ses bottes, persuadé que « la question de l’islam inquiète » et que c’est en ouvrant ce débat qu’il pourra s’exprimer sur ce sujet. Vanneste craint au contraire que l’UMP « marche sur le fil du rasoir ». « A force de poser la question du halal dans les cantines, du voile à l’école (ndlr : Christian Vanneste a voté contre la loi interdisant le port du voile à l’école en 2004), nous risquons de finir par paraître anti-musulmans. »
Deuxième risque : en organisant un débat sur la laïcité des mois après que Marine Le Pen se soit emparée du sujet de l'islam, Sarkozy endosse le costume peu glorieux de suiveur. « La laïcité n’est pas un sujet prioritaire », répète Vanneste. Réclamant toujours le retour aux fondamentaux cher au collectif de la Droite populaire, le député plaide pour un recentrage du débat : « Trois sujets inquiètent les Français aujourd’hui : le chômage, la montée de la violence et l’immigration. » En prenant position contre ce débat, Vanneste met en exergue une question essentielle : à force de vouloir concurrencer le Front pour siphonner un électorat acquis à sa cause en 2007, Sarkozy ne risque-t-il pas de rebuter l’électorat populaire pour qui la laïcité, l’islam, passent après les ennuis du quotidien ?
Laureline Dupont - Marianne
Photo : (Christian Vanneste - Wikimedia commons - cc)
http://www.marianne2.fr/Vanneste-La-laicite-n-est-pas-un-sujet-prioritaire_a203631.html