Maurice Allais, résistant
Par Gaël Nofri
Paradoxe français, Maurice Allais était le seul économiste français à avoir reçu le prix Nobel d’économie, mais aussi le seul dont aucun de nos dirigeants politico-médiatiques n’aient jamais voulu écouter les analyses et les réflexions. C’est que, n’appartenant à aucune famille politique, l’homme n’hésitait pas à prendre des positions iconoclastes, au risque de choquer par la liberté de ses analyses : il s’était notamment exprimé en faveur de la défense de l’agriculture française par la mise en place d’une « préférence locale » ou encore pour la préservation de l’industrie nationale par une politique protectionniste qu’il jugeait « non seulement justifiée, mais absolument nécessaire ».
Un intellectuel qui, quoique se définissant lui-même comme libéral, n’était pas un adversaire acharné de la notion même de frontière dénotait dans le paysage français. Loin de l’idée largement répandue par les adeptes de la « bien-pensance » selon laquelle l’idée nationale, la protection des économies et le maintien des frontières étaient l’apanage de sous-diplômés, alcooliques, ignares et limités, le personnage de Maurice Allais rassurait. Il rassurait tous les Français qui pensent que la zone euro, la construction européenne sans cesse élargie et la mondialisation sans frontière ne sont pas des choix économiques pertinents.
Résistant, mais terroriste aux yeux des élites médiatico-financières, Maurice Allais avait été condamné par les gardiens vigilants des dogmes mondialistes. Car dans le monde qui nous dirige, et la crise récente l’a encore prouvé, nul ne cherche à écouter des économistes qui « raisonnent juste » ; ce que l’on exige ce sont des théoriciens qui vont dans « le bon sens ». Qu’importe l’erreur, et même si le système s’effondre, on prend les mêmes et l’on recommence, comme si de rien était, comme si les réalités vécues ne comptaient pas et que seule importait la chimère des lendemains sans frontière, d’un monde apatride et donc forcément plus heureux…
Que l’on soit tout ou partie d’accord avec lui, Maurice Allais était un grand français qui eut, outre sa réflexion et son Nobel, l’immense mérite de nous rappeler qu’une contestation est toujours possible et que les schémas que l’on nous impose peuvent, et méritent, d’être remis en cause.n