Quelques jours après le séisme au Japon, les inquiétudes se concentrent sur le risque d'accident nucléaire. Pour Jack Dion, si la récupération de la catastrophe par les Verts est indécente, c'est surtout le problème de la maitrise de plus en plus importante de l'énergie nucléaire par des acteurs privés qui doit être posé.
Que l’accident nucléaire au Japon, provoqué par le Tsunami, créée une émotion dans le monde entier, cela paraît légitime. Tout le monde a en mémoire des précédents spectaculaires, et pas seulement celui de Tchernobyl. De là à danser sur le séisme nippon pour demander un référendum sur la sortie du nucléaire en France, il y a un pas que les Verts ont franchi sans l’ombre d’une hésitation.
Alors que l’on ne connaît même pas l’ensemble des fait qui ont ébranlé la centrale de Fukushima Daiichi, les talibans anti-nucléaire rêvent de rayer l’atome de la carte industrielle. Ce n’est ni sérieux ni décent.
Reconnaissons aux écolos le mérite historique d’avoir mis la planète face à ses responsabilités environnementales alors que d’autres continuaient de surfer sur l’aventure productiviste. La catastrophe écologique est une indéniable réalité. Les techniques de production épuisent les ressources naturelles (pétrole, eau, terres agricoles…), tandis que les organisations de l’habitat et du transport conduisent à des émissions de CO2 dans des proportions encore jamais atteintes dans l’histoire.
En fait, tôt ou tard, il faudra bien se résoudre à revoir toute l’organisation du monde : les trajets insensés des marchandises à l’échelle de la planète, les modes de productions dans chaque nation, ainsi que les aménagements des territoires. Dans ce cadre, le nucléaire pose des questions réelles de transparence et de sécurité, comme en témoigne la situation actuelle du Japon. Mais proposer d’en finir avec cette énergie sous prétexte d’un accident, aussi spectaculaire soit-il, serait aussi sérieux que de prôner l’abandon de l’aviation civile après le crash d’un Boeing en pleine mer.
En ce domaine comme ailleurs, le risque zéro n’existe pas. Il faut seulement se donner les moyens nécessaires pour limiter les risques au maximum sans tomber dans la panique générale et allumer des bougies en chantant : « Le nucléaire tue l’avenir ».
Bien maîtrisé (et il n’y aucune raison qu’il ne le soit pas), le nucléaire ne tue personne. Encore faut-il assurer la prééminence publique sur cette filière, afin de ne pas la livrer à la course à la rentabilité en vogue dans le privé, en assurant un contrôle démocratique, et en assurant une formation de haut niveau au personnel.
Certes, le nucléaire civil ne règle pas tout. Il serait judicieux de regarder de valoriser toutes les productions d’énergie renouvelable ( solaire, éolien, hydraulique…) Mais on ne voit pas au nom de quelle diabolisation il faudrait tirer un trait sur l’atome.
Grâce à EDF, au CEA, et à Areva, la France dispose en la matière d’acquis historiques qui assurent son indépendance énergétique et la maitrise nationale d’un secteur essentiel. 70% de l’électricité du pays est d’origine nucléaire. A priori, donc, on pourrait être tenté de saluer le plaidoyer pro nucléaire civil délivré par Nicolas Sarkozy. Ce serait oublier que le Président, nonobstant ses bonnes paroles, a fait éclater le front nucléaire national en donnant le feu vert à Henri Proglio, PDG d’EDF, pour se lancer dans une aventure internationale incertaine, en laissant GDF-Suez venir marcher sur les platebandes nucléaires, et en filialisant l’approvisionnement du pays en uranium au détriment d’Areva.
Ajoutons que la France, sous prétexte d’appliquer l’hymne à la concurrence en vogue à Bruxelles, a mis en place un processus de libéralisation du secteur de l’énergie, la fameuse loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité). Or c’est un véritable coup de poignard dans le dos d’EDF, contraint de faire une place à ses concurrents pour des raisons purement idéologiques (le marché, c’est bien ; le public, c’est mal).
En vérité, la véritable urgence consisterait à arracher le nucléaire des griffes du privé pour réorganiser une filière publique en passe d’être démantelée. Pourquoi pas un référendum sur le sujet ?
Jack Dion - Marianne