Et c'est reparti alors que l'expérience de ces dix dernières années aurait pourtant dû nous donner quelques leçons, voilà que l'occident se met à nouveau à menacer de tout bois les méchants dictateurs du sud. C'est le retour des grands discours émotionnels et des interventionnistes de salon, à l'image de BHL dont on ne sera vraisemblablement débarrassé que lorsqu'il mangera les pissenlits par la racine. Il se trouve que certains de mes camarades sont tombés également dans ce piège de l'intervention à caractère humaniste, y compris mon collègue gaulliste Laurent Pinsolle qui semble défendre une telle opération. Vous l'aurez compris personnellement je suis complètement opposé à ce type d'actions et ce pour plusieurs raisons.
Je trouve de plus incroyable les incohérences construites autour du droit d'ingérence militaire, car il n'est de secret pour personne que ces interventions, sous drapeau droit de l'hommiste, n'interviennent étrangement que dans certains pays possédant deux caractéristiques fondamentales. La première est qu'il semble que les droits de l'homme et la défense des opprimés ne donnent le statut de victime légitime que si le sol du pays sur lequel se trouve les victimes possède certaines caractéristiques physico-chimiques lui permettant de produire des hydrocarbures. Il faudra sans doute demander aux chimistes par quel miracle les hydrocarbures transforment les cadavres en putréfaction en interventionnisme militaire chez les occidentaux. Voilà de quoi avoir un prix nobel de chimie un mystère absolue vraiment. La deuxième condition semble être un état d'affaiblissement extrême de l'état à aider, en effet seule une nation affaiblie pourra obtenir l'aide médicale des occidentaux. Nos médecins sont formels, il semble que seul les nations militairement faibles puissent obtenir des soins d'urgences et des opérations au rafale radioscopique. Les saoudiens qui possèdent pourtant le premier critère d'intervention n'ont malheureusement pas accès à l'aide médicale, leur santé leur permettant encore de massacrer librement les populations à Bahrein. Si l'on oublie la plaisanterie, comment ne pas voir que ce double discours et cette double attitude permanente ont un effet désastreux sur l'image de nos propres pays.
Combien de nations dans le monde connaissent des difficultés, des guerres, ou des dictatures sanglantes, sans que cela n'émeuve nos pauvres nations grandes défenseuses de l'humanité. Cette façon de faire de la géopolitique bassement matérielle en usant de slogans humanistes voilà bien la plus mauvaise action qui soit, c'est à vomir. De plus je rappellerais à nos bombardeurs psychopathes que ce sont de jeunes hommes et de jeunes femmes français qui vont aller se faire tuer en Libye. On ne met pas en jeu impunément la vie de ses compatriotes, même s'ils sont dans des avions et non sur le terrain à proprement parler. Pour ma part je considère que la seule chose qui justifie le risque de la mort pour nos soldats c'est la défense du territoire français et rien d'autre. Déclencher des conflits dans des pays lointains pour des raisons qui sont plus obscures que celles qui sont présentés officiellement, c'est faire preuve d'une légèreté tout à fait incroyable. Peut-être faudrait-il envoyer nos politiciens avec nos hommes sur le terrain pour qu'ils cessent de déclencher des guerres sans réfléchir. Et je ne parlerai pas ici des multiples victimes collatérales en Libye que nos armes vont provoquer. En réalité nous offrons à Kadhafi un moyen sûr de se faire passer pour un martyr aux yeux des populations arabes et africaines, d'autant plus qu'il a de fortes chances de l'emporter sur le sol face aux insurgés, même avec les bombardements occidentaux. Là il passerait pour un héraut ayant fait tomber les néo-colonialistes blancs. Et puis qui sont ces insurgés d'ailleurs? On en sait rien en fait, on doit les défendre nous disent les médias, mais si ce sont justes des terroristes violents, pas plus légitimes que l'autre fou au pouvoir, aurait-on quand même raison d'intervenir? Je tiens à signaler que l'on soupçonne fortement ces mouvements d'être en réalité des formes d'action de la part de fondamentalistes musulmans, pas vraiment des démocrates, en tout cas pas plus que Kadhafi. Comme le note Philippe Grasset sur dedefensa :"Il faut rappeler que certains régimes arabes, de fort mauvaise réputation certes, comme l’Algérie et la Syrie, ne cachent pas qu’ils livrent des armes à Kadhafi parce que leur conviction est que le mouvement anti-Kadhafi contient effectivement des éléments islamiques dangereux."
Quel paradoxe si notre intervention favorise les pires des pitres dictatoriaux que l'on puisse imaginer et tout cela au nom de la défense des droits de l'homme, comme en Afghanistan n'est ce pas? En réalité plus les occidentaux s'évertuent à intervenir, plus ils aggravent la situation et il n'y aucune chance pour que cette règle ne s'applique pas à la Libye. La puissance militaire devient ainsi l'impuissance politique, par un renversement étrange lié à la communication instantanée généralisée, la puissance rend en fait impuissant. Que la France intervienne en Libye et le sanglant dictateur deviendra un champion de la lutte contre l'empire américain,et s'il perd ses remplaçant auront tôt fait de foutre dehors les occidentaux tout en prônant la charria. Vaste programme, sans oublier les risques d'une guerre civiles sachant que la Libye n'est pas vraiment un état nation mais plutôt un regroupement de tributs disparates.
Le camp gaulliste première victime colatérale
Mais le plus étonnant dans cette histoire, c'est l'absence totale des prétendus gaullistes sur cette affaire. Nicolas Dupont Aignan soutient étrangement l'intervention militaire, tout comme mon collègue Laurent Pinsolle, mais ce n'est pas tout puisque l'on peut lire sur le blog de Jean-Pierre Chevènement la même illusion. Même si ce dernier tempère en appuyant sur le fait que la résolution de l'ONU se limite à une simple limitation des espaces aériens,et en aucun cas à un droit d'ingérence. On notera quand même que le Che n'est pas contre cette intervention ou du moins il n'exprime pas son désaccord, s'il en a un. C'est un revirement assez étonnant de sa part, une rupture assez inhabituelle de sa direction constante en matière de politique étrangère, rappelons qu'il s'était opposé à la première guerre en Irak. Et puis il faut être bien naïf pour croire que l'intervention actuelle se limitera à cela, en Afghanistan aussi cela devait être limité, on y est encore pourtant. On constatera également le soutient de Dominique De Villepin à cette intervention militaire, le "héraut" du discours sur l'Irak à l'ONU semble avoir perdu de vue les arguments qu'il utilisait alors. Ou est passé le principe de non ingérence dans les affaires intérieurs d'un pays, principe éminemment gaulliste. Rappelons que le Général De Gaulle fut l'un des premiers à reconnaître la Chine communiste, et qu'il discutait avec les autorités soviétiques pourtant peu démocratiques. La France s'est toujours mise comme principe de base de respecter les souverainetés nationales, même s'il y avait des conflits internes.
Et d'ailleurs nous n'avons pas à écrire l'histoire des autres peuples, il suffit pour comprendre ce principe de bon sens de se mettre à la place des populations locales. Imaginons un instant que le sud de la France soit en proie à un conflit entre différents partis, comment réagirait la population française si la Chine ou l'Allemagne arrivaient avec leurs gros sabots et favorisaient ainsi l'un des camps quel qu'il soit. Même si l'intervention était bien intentionnée, il y aurait toujours un doute quant à l'intégrité des futurs vainqueurs, de même qu'il y aurait une haine et un dégoût vis à vis des puissances ayant participé à ces actions. Une intervention étrangère ne peut se justifier que s'il y a un conflit entre état nation, une guerre classique. Si un pays en agresse un autre alors là l'intervention militaire peut prendre sens. Mais nous ne sommes pas dans ce cas de figure en Libye. Dans le cas de guerre civile il ne faut pas prendre parti, sous peine de nourrir un ressentiment, et ce que je dis est vrai pour les peuples arabes, mais c'est vrai en général, l'intervention est souvent contre productive.
Nicolas Sarkozy le fossoyeur de l'indépendance française
Nicolas Sarkozy finit donc son pitoyable mandat par un feu d'artifice guerrier, si seulement il pouvait aller en Libye pour y montrer tout son courage, sa mort serait probablement la seule choses qui puisse à posteriori justifier ce conflit. On voit aujourd'hui le résultat de la rentrée de la France dans l'Otan, c'est d'ailleurs souligné par le journal Le Point, ce sont les USA qui commande les opérations en Libye et non la France. On comprend ici peut-être mieux pourquoi c'est la France qui a apparemment été l'instigatrice de cet absurde intervention. Les USA et la Grande-Bretagne ayant une image déplorable, ils ont en réalité usé de leur caniche Sarkozien pour faire passer la pilule militaire. C'est d'ailleurs ce que sousentend le New York Times comme expliqué dans cet article qui prétend qu'en réalité ce sont les USA qui ont fait pression pour permettre le conflit, la France ne servant que d'intermédiaire. La France était plus présentable pour justifier le conflit militaire et faire valoir les intérêts des USA dans la région. Que voulez vous avec toute cette instabilité et la possibilité de voir l'Egypte grand allié traditionnel des USA tomber sous un régime potentiellement hostile, il fallait bien une nouvelle base arrière alors pourquoi pas la Libye? Et en plus il y a du gaz et du pétrole, le pays ne fait que six millions d'habitants et il est tout plat, c'est plus facile à contrôler. La Libye ferait une formidable base arrière pour la puissance américaine au cas où les autres régimes arabes, qui sortirons des révolutions actuelles, seraient anti-américains. Les intérêts de la France dans tout çà on ne les connaît pas, peut-être les intérêts de Total, ou les intérêts de Nicolas Sarkozy lui même sont-il en jeu, mais les intérêts de la France non. D'ailleurs l'Allemagne qui importe aussi du pétrole de Libye n'a pas bougé d'un pouce, nos alliés latins non plus d'ailleurs, ils n'étaient pas vraiment enthousiastes. Finalement par un renversement assez incroyable, il semblerait que la France soit la dernière puissance d'Europe continentale à agir aveuglément pour les intérêts US, étonnant non?
La guerre un chose trop sérieuse pour être laissé aux militaires, aux politiques et aux médias
Une chose est quand même sûre dans cette affaire, il y a un problème dans notre organisation politique. Car comment un pays, soit disant démocratique, peut-il tolérer qu'un individu, même président, ou un groupe parlementaire, guère représentatif d'ailleurs, puissent ainsi déclencher une guerre sans débat et sans possibilité d'opposition pour ceux qui sont contre? Il va falloir sérieusement réfléchir à une limitation des moyens militaires qui ont trop souvent servi d'aide auxiliaire pour régler des affaires internes. Ce n'est pas vrai que pour la France d'ailleurs. La guerre ne doit pas être le fruit d'un calcul politicien à court terme, pas plus que le résultat de la défense des intérêts corporatistes des lobbies militaro-indutriels ou autre. La guerre ne doit en aucun cas être décidé par un petit groupe d'individus car ses conséquences c'est le reste de la population qui les subit. D'autant plus que les difficultés économiques de notre pays et sa situation structurelle va rendre très coûteuses ces opérations, nous ne pouvons pas comme les USA éponger notre budget militaire par l'exportation de notre inflation, nous ne possédons pas le dollars. A vrai dire nous ne pouvons même pas émettre de monnaie pour notre propre budget, ce qui veut dire que seul l'emprunt sur les marchés financiers peut financer ce genre d'opération, alors même que la France est déjà en situation de sur-endettement gravissime.
On peut affirmer que plus d'intervention militaire, c'est moins de fonctionnaires dans les écoles, dans les hôpitaux, ou dans la justice. Et ce n'est pas ceux qui brament comme BHL qui payent ces guerres, la plupart d'entre eux étant des exilés fiscaux, ce sont les petits contribuables qui subissent déjà les conséquences des délires libre-échangistes et européïstes de ces mêmes élites. A titre personnel je me demande si finalement la France ne devrait pas faire comme l'Allemagne ou le Japon d'après guerre, limiter à 1% le budget militaire et interdire les opérations hors de son territoire. A cela on pourrait ajouer la nécessité d'un référendum pour tout acte de guerre ou demande d'intervention militaire. Avec ces mesures on éviterait ainsi aux hommes politiques français de pouvoir jouer les gros bras à l'étranger tout en esquivant les problèmes intérieurs. Ils auraient peut-être ainsi plus de temps à consacrer à ceux qui les ont élu et qui les nourrissent.
La guerre mondiale dans le monde | Les Inconnus par BSmax