2012 approche, et la défaite de la droite aux cantonales montre que la « meute sarkozyste » de 2007 est loin d'être sagement rangée derrière son chef. Le blogueur SuperNo ironise sur ces « caniches » que Sarkozy essaie de reconquérir par l'intervention spectaculaire en Libye.
Je vais commencer ce billet par une petite séance d'autocongratulation. En juillet 2009, avant même les sondeurs, j'écrivais que le seul « socialiste » à avoir une chance était DSK.
En août 2010, avant les sondeurs, j'émettais l'idée que Sarkozy pourrait ne pas être au second tour. Voire même pas au premier puisque lorsqu'il aura la certitude de la branlée, il renoncera de lui-même. Si vous lisez le billet, vous verrez tout de même, (un peu de modestie, que diable..) que j'ai largement surestimé le phénomène Eva Joly (qui n'a pas tenu la distance), et sous-estimé Marine Le Pen, à laquelle je ne trouve pourtant pas de talent et encore moins d'idée cohérente. Mais peu importe, c'est sur elle que se sont cristallisés tous les mécontentements (ça aurait pu être Mélenchon, mais non, hélas…), et il est désormais probable qu'elle sera autour de 20%. Si DSK est autour de 30 (les derniers sondages lui en donnent plus), il est inutile d'aller chercher plus loin le deuxième tour de 2012. Et le nom du cocu.
La poussive et piteuse élection cantonale étant passée, nous sommes donc entrés dans la dernière ligne droite (alors que le probable futur vainqueur est encore à l'écurie). Dans le clan Sarkozy, c'est carrément la Berezina. Avant même le deuxième tour, Fillon attaquait le bas de pantalon de Sarkozy au sujet des consignes de vote. J'ai entendu hier midi Dominique Paillé qui appelait, avec son hypocrisie habituelle, à une candidature de Borloo. Hier soir, c'est Michel Heinrich, député-maire UMP d'Epinal, qui s'essuyait carrément les pieds sur Sarkozy, sans la moindre retenue. Il appelait à la candidature de… Fillon ! Hier soir encore, Copé se payait ouvertement Fillon. Puis c'est Wauquiez qui défendait Fillon et attaquait Copé, Baroin faisait de même… Sans oublier que Villepin s'y voit déjà, Borloo ne se sent plus pisser, Juppé y pense toujours en se rasant (et en rasant les autres), Bayrou n'a toujours pas compris que son heure était passée, Morin… Heu, non, je déconne…
Qu'auraient-ils de plus à proposer ? Rien justement ! La poursuite d'une politique libérale, avec la réduction de la dette (qu'ils ont eux-mêmes creusée) comme prétexte à sabrer toujours plus dans les dépenses publiques. Et surtout pas la remise en cause de quelque manière que ce soit du dogme de la « croissance », ou de notre mode de vie con-sumériste, destructeur et intenable.
Comme je l'ai dit précédemment, une fois la certitude de la branlée acquise, la belle unanimité des sous-fifres tremblants, rangés derrière le chef, le doigt sur la couture du pantalon, va voler en éclat. Les caniches bien dressés vont se métamorphoser en hyènes. Oui oui, les mêmes qui se battaient naguère pour lécher le fondement de leur maître, et qui remuaient la queue en cadence lorsqu'il daignait leur accorder un peu de sa précieuse attention, ou, plaisir suprême, un susucre.
Un caniche politicard n'est souvent pas très malin, mais à défaut d'idées, il a au moins un instinct : celui de vouloir suivre le maître qui lui rapportera le plus de susucres. Car 2012, c'est d'abord la présidentielle, mais tout de suite après, les législatives ! 577 susucres à distribuer ! Du coup, les caniches de la droite sont très inquiets, car ils avaient choisi de lécher le bon maître en 2007, et cela leur avait permis de se gaver de susucres ! Mais là, ça craint vraiment, leur maître a perdu la niaque, il foire tout ce qu'il tente, et l'heure semble venue de laisser tomber ce minable et de trouver un nouveau fondement à léchouiller.
C'est drôle, car les caniches de droite se trouvent à peu près dans la situation des caniches « socialistes » en 1993. Ça fait donc 18 ans qu'ils cherchent un nouveau maître. 18 ans, c'est long, d'autant que les susucres sont rares. Le genre d'expérience qui fait trembler le caniche de droite, qui du coup perd son sang froid.
Les semaines qui viennent vont être marrantes à suivre. Encore quelques sondages qui donneraient Sarkozy éliminé au deuxième tour (et comme on l'a vu, c'est l'hypothèse la plus probable), et les nouveaux candidats maîtres vont se déclarer, guettant l'approbation des caniches, et surtout celle des instituts de sondage.
Par exemple, il suffirait qu'un premier institut, pour faire le malin comme l'avait fait Harris Interactive avec Marine Le Pen, décrète par exemple que Borloo serait devant Sarkozy au premier tour. Reprise en boucle dans tous les médias, la prophétie deviendrait autoréalisatrice, les autres sondages suivraient le mouvement, et les caniches viendrait petit à petit se ranger derrière Borloo, avec force bruits de langue.
Je parle de Borloo au hasard, j'aurais pu prendre n'importe lequel des autres, Il est nul, mais il a l'air sympa, ce qui fait qu'on oublie qu'il fut l'avocat d'affaires de Tapie. Du coup il aurait ses chances… Au moins de ne pas être à plus de 5 points de Marine Le Pen.
Cette meute au cul est certainement ce qui a poussé Sarkozy à bombarder Kadhafi. Les médias anglo-saxons ne se gênent plus pour l'écrire, que Kadhafi est pour Sarkozy un peu ce que Saddam a été pour Bush, une manœuvre dilatoire pour tenter de faire oublier sa gestion catastrophique de la révolution en Tunisie puis en Égypte, et surtout une ultime manœuvre pour enrayer sa chute infinie dans les sondages, une dernière chance de redresser la barre avant l'explosion annoncée de 2012.
Le New York Times écrit : « M. Sarkozy, motivé par l'échec de la France à répondre rapidement aux révolutions en Tunisie et en Égypte, et poussé par un nouveau ministre des Affaires étrangères et par d'influentes personnalités publiques comme l'écrivain BHL, s'est associé avec la Grande Bretagne pour entraîner l'Europe et les États-Unis dans une intervention militaire dans le monde arabe que ses alliés les plus importants comme Washington et Berlin n'avaient pas souhaitée ».
Mais le plus drôle est slate.com, dans un article intitulé, in French in the text « Wag le chien », et qui ose la comparaison entre la guerre de Sarkozy et celle mitonnée par Robert De Niro dans le film « Des hommes d'influence » (Wag the dog)
Lisez ça : « We Americans have a long tradition of declaring war in the run-up to election campaigns: Hollywood once mocked the idea in Wag the Dog, a movie starring Robert De Niro as a political consultant who covers up a presidential sex scandal and wins an election by launching a fake war in Albania. In this real-life Francophone sequel, there is no sex scandal. The French president, Nicolas Sarkozy, is unpopular because of government corruption, because the French economy is weaker than it was supposed to be, because he and his now ex-foreign minister chose the wrong side in Tunisia, and because he's erratic and unpredictable. »
« Nous, les Américains, avons une longue tradition de déclarations de guerre en plein milieu des campagnes électorales. Hollywood s'était une fois moqué de cette idée dans "Des hommes d'honneur", un film avec Robert de Niro en consultant politique qui couvre un scandale sexuel et gagne une élection en lançant une fausse guerre en Albanie. Dans cette suite française de la vie réelle, il n'y a pas de scandale sexuel (ndt : ça, c'est à partir de l'année prochaine !). Le président français, Nicolas Sarkozy, est impopulaire à cause de la corruption du gouvernement, parce que l'économie française est plus faible qu'elle ne devrait, parce que son ancienne ministre des Affaires étrangères a choisi le mauvais camp en Tunisie, et parce que qu'il est erratique et imprévisible. »
Plus loin : « The man who introduced Sarkozy to the Benghazi rebels is none other than Bernard-Henri Lévy, a pop philosopher so French that I can't think of an American equivalent. We just don't have philosophers who wear their shirts unbuttoned, marry blond actresses, and take sides, enthusiastically, in wars in Bangladesh, Angola, Rwanda, Bosnia, and beyond. By siding with Lévy's emotional plea for humanitarian intervention - a decision that surprised even his own foreign minister - Sarkozy apparently thinks he might share some of the philosopher's glamour. »
« L'homme qui a présenté Sarkozy aux rebelles de Benghazi n'est autre que BHL, un philosophe populaire si français que je ne peux pas lui trouver d'équivalent américain. Simplement, nous n'avons pas de philosophes qui porteraient des chemises débraillées, qui épouseraient des actrices blondes et prendraient parti, enthousiastes, dans des guerres au Bangladesh, en Angola, au Rwanda, en Bosnie ou ailleurs. En se rangeant à la plaidoirie émotionnelle de BHL pour une intervention humanitaire - une décision qui a même surpris son propre ministre des Affaires étrangères - Sarkozy pense apparemment qu'il pourrait bénéficier d'un peu du glamour du philosophe ».
Ils ont tout compris, ces ricains ! En attendant, la branlée des cantonales a démontré que le « glamour » de BHL laisse les électeurs de marbre, et que le fondement de Sarkozy a du souci à se faire…
SuperNo - Blogueur associé
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