Depuis qu'il est au ministère de l'Intérieur, l'ancien homme fort de l'Elysée Claude Guéant s'est surtout illustré par des phrases choc qui ont déclenché plusieurs polémiques. Frédéric Ploquin rapporte quant à lui des propos du ministre qui ne font pas la une des journaux, et qui sonnent comme un étonnant aveu d'échec.
A force de déclencher des tollés sur toutes sortes de sujets, Claude Guéant n’est plus audible sur celui qui lui incombe : l’insécurité. Comment se faire entendre sur la police entre deux phrases chocs sur l’immigration ou l’islam ? On gagnerait pourtant à tendre l’oreille, parce que ce que le nouveau ministre de l’Intérieur glisse à l’oreille de ses troupes relève d’un changement de cap extraordinaire. Ne le dîtes à personne, mais la stratégie poursuivie par Nicolas Sarkozy depuis 2002 a échoué.
La preuve, Guéant voudrait tourner le dos à tout ce qui s’est fait jusque là. Témoins ces quelques phrases prononcées devant les directeurs de la sécurité publique et les responsables de la gendarmerie, entre les deux tours des cantonales : « Notre action doit être portée par une exigence constante à tous les niveaux pour la recherche de la qualité des relations à instaurer avec la population. Le lien fort et la confiance qui en découlent sont une composante déterminante de notre crédibilité auprès de la population ». Une manière assez nette de tourner le dos à une vision hyper centralisée de l’action policière... « Si ce lien est trop ténu, ajoutait ce jour-là Claude Guéant, les résultats de la délinquance, même bons, n’auront pas d’effet sur la population ». Après avoir tenté de couper l’herbe sous les pieds de l’extrême droite, aurait-il décidé de piquer dans les idées de la gauche ? On dirait bien.
Un virage confirmé dans la foule sur i-Télé, où l’on a vu Claude Guéant annoncer un « redéploiement des policiers dans la rue ». Parce qu’ils n’y étaient pas, depuis 2002 ? Parce que les efforts successifs de Sarkozy, de MAM et de Brice Hortefeux n’auraient eu aucun effet sur les troupes ? « Il y aura plusieurs milliers d’agents de plus sur la voie publique », a insisté le ministre. Par quel tour de magie ? A priori, les écoles ne sont pas pleines à craquer de nouvelles recrues. La seule piste concrète, évoquée par Sylvie Fleucher, secrétaire du syndicat des commissaires, consisterait à faire sortir les policiers des voitures et à les mettre sur le trottoir, par deux. Serait-ce le grand retour de la police de proximité tant vilipendée ? « Je voudrais qu’on se souvienne que j’ai pu créer un climat de sécurité », a encore dit Guéant. Terrible aveu qui le place dans la course au meilleur « climatologue » de la Place Beauvau.
Frédéric Ploquin