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Lynchage de Noisy : Guéant nous la rejoue façon Kärcher
05/04/2011 17:06
Après le lynchage d’un jeune pour une rivalité amoureuse, le ministre de l’Intérieur s’est en mis première ligne mobilisant derrière lui les pontes de la police. Une méthode télégénique et théâtrale digne de ses prédécesseurs Sarkozy et Hortefeux.
Il existe une solution pour que la police soit plus efficace. Non pas sortir de l’idéologie de la rigueur budgétaire, non pas abandonner la politique du chiffre mais un bon fait divers, de préférence avec une histoire de bandes et de rivalités entre quartiers, histoire de s’adapter au 20H de TF1. C’est sans doute le meilleur moyen pour obtenir des moyens de police supplémentaires et qu’une enquête avance au plus vite. Le reste du temps, les forces de l’ordre ne rentrent dans certains quartiers, les plaintes n’aboutissent pas et les commissariats fonctionnent avec des bouts de chandelle.
C’est le cas avec le récent lynchage à Noisy-le-sec. Un jeune de 19 ans a été violemment tabassé samedi soir sous les yeux d’une jeune fille présentée comme sa petite amie dans la gare RER de la ville par plusieurs autres jeunes. Il est actuellement hospitalisé dans un état critique. Dans un premier temps, on a cru que l’agression était un vol, puis les médias ont bénéficié de fuites venant d'une « source proche de l’enquête » montrant qu’il s’agirait en fait d’une rivalité amoureuse. Les agresseurs venant de la cité du Bois-Perrier à Rosny-sous-Bois, n'auraient pas apprécié que la victime, originaire de Sartrouville. soit en couple avec une fille de leur quartier. Selon RTL, les jeunes de Rosny auraient même « prémédité » leur expédition punitive. Mais dans Le Parisien de ce mardi, le père de la victime a démenti toute relation amoureuse entre son fils et la jeune fille.
Mais peu importe les détails, l’histoire a tout pour attirer les médias, on a là un véritable Roméo et Juliette des temps modernes. Le Parisien, dans un grand élan de romantisme, écrit même : « Ils se fréquentaient depuis quelque temps et si, au début de leur relation, ils étaient restés discrets, ils affichaient désormais leur amour au grand jour ». Pour aller plus loin dans l'émotionel, pour ne pas dire le voyeurisme, le père de la victime a été invité a témoigner un peu partout dans les médias : RTL (qui a eu l’exclu), Le Parisien, Europe 1. « Ma femme et mes filles, tout le monde pleurait. Je l'ai vu allongé, des tuyaux dans la bouche, dans le corps. Les médecins ont dit que c'était grave. Franchement, j'ai beaucoup angoissé », a raconté le père sur Europe1. Un grand moment de radio.
Sociologues de service
Et la pression médiatique était telle que la police se devait de produire des résultats au plus vite. En moins de 48 heures, 10 personnes ont déjà été arrêtées dont 8 mineurs, le plus jeune étant âgé de 14 ans. Mardi matin, ils étaient toujours en garde à vue. Pourtant au même moment, toujours en banlieue parisienne, d’autres faits divers sanglants ont eu lieu sans attirer autant de caméras. A Aubervilliers, un homme a pris une balle dans la tête. Une rixe entre jeunes à eu lieu à Saint-Cyr-l’Ecole. A Garges-les-Gonesse, un homme a pris un coup de couteau dans un foyer Adoma.
Naturellement, le sociologue de service est également convoqué pour donner un sens à tout cela, généralement pour des analyses aussi plates que « la délinquance, c’est la faute à la société ». Certes, ce n’est pas forcément de la faute de l’universitaire, souvent interrogé à la va-vite par des journalistes qui ne connaissent pas ses travaux. A ce titre, Laurent Muccheilli, chercheur connu de tous les stagiaires qui savent taper « bandes des cités » sur Google, a été approché par de nombreux journalistes. Avec son collègue Marwan Mohammed, il raconte ses coups de fils incessants sur son blog. « Hier après-midi, puis ce matin, voici que le téléphone s’est mis à sonner. Un(e), puis deux, puis trois, quatre, cinq et finalement une bonne douzaine de journalistes, de radio, télévision et presse écrite nous ont appelés l’un et l’autre », écrit le sociologue.
Pour tenter de donner une validité scientifique au traitement de ce fait divers, Laurent Mucchielli s’est notamment exprimé sur RTL ce lundi. « En Ile-de-France, il y a tellement peu d’identité locale que le phénomène de quartier est exacerbé », a-t-il déclaré. Les journalistes ont donc trouvé leur filon : les bandes. Les bandes, personne ne sait ce que c’est réellement, mais tout le monde l’utilise, à défaut de décrire une réalité, il passe bien dans les médias. Ce terme inclut des actes délinquances provoquées par des effets de groupe, la criminalité organisée, les regroupements communautaires, les rivalités de quartiers de villes.. Tout autant de formes de violences non pas vues selon leur réalité sociologique mais selon leur apparence médiatique. Car, la plupart du temps, la délinquance n’est pas abordée dans les médias comme un problème social, judiciaire ou policier mais comme un événement théâtral avec ses acteurs et ses metteurs en scène.
Fièvre médiatique
En cela, une dépêche AFP du 3 avril fait le lien entre l’agression de Noisy et le meurtre d’Asnières survenu il y a quelque semaines. « Pour des sociologues, ce nouveau fait divers, après des rixes entre des bandes d'Asnières et de Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine, s'apparente à un nouvel épisode de rivalités entre jeunes de cités de la banlieue parisienne », écrit l’agence. Et la dite dépêche prête ces propos au sociologue Marwan Mohammed : « Il y a une identité territoire très forte (...) en Ile-de-France car dans cette région, (...) Il y a donc une identité de quartier qui est surévaluée ». Mais, selon Mucchielli et Mohammed, cette interview n’a pas été réalisée suite à l’agression de Noisy mais suite 15 jours plus tôt suite au meurtre d’Asnières. Réinterrogé, Marwan Mohammed a donné une autre version : « Dans ce fait précis, c'était un groupe contre un individu. Je m'interroge sur la lecture dominante, quasi animalière de ce fait divers impliquant: ‘Les femelles appartiennent aux mâles du groupe’ ».
Claude Guéant, en bon élève de Nicolas Sarkozy a évidemment récupéré l’affaire. Dès dimanche matin, il a convoqué une réunion au sommet avec Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale et Michel Gaudin, préfet de police de Paris (qui dirige la police de Seine-saint-Denis). Selon un communiqué du ministère, Claude Guéant, « a demandé que tous les moyens soient mis en oeuvre et, en particulier, l'exploitation rapide des images de vidéoprotection pour arrêter les auteurs de cette agression sauvage, afin que ceux-ci soient présentés devant la justice dans les délais les plus brefs ». Les autorités ne ratent jamais une occasion de prétendre que la vidéosurveillance, à défaut de prévenir les crimes, peut aider à la résoudre. Lundi, en marge d’un déplacement à Nantes, Claude Guéant a encore évoqué l’affaire, faisant part de ses « bons espoirs » sur l’arrestation des coupables. A l’aube d’une campagne 2012, où le bilan de la droite en matière de sécurité sera remis sur la table, il se devait d’être sur le devant de la scène.
Pourtant, on peut parier que dans quelques jours, cette affaire sera oubliée, tant des médias que du pouvoir. Elle connaîtra le même flop que les mesures promises après les émeutes de Grenoble. L’extension des peines planchers aux mineurs primo-délinquants a été censurée par le Conseil Constitutionnel, la déchéance de nationalité pour les meurtriers de policiers ou de gendarmes été retoquée par les sénateurs. De même, la baisse des moyens de la police continue. Car une fois la fièvre médiatique tombée, les promesses soi-disant sécuritaires du gouvernement s’envolent et les journalistes passent à autre chose. Pour Claude Guéant, le rideau du théâtre de l’insécurité est baissé, mais dans les quartiers populaires, la pièce continue de jouer.
Tefy Andriamanana - Marianne
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