Le débat sur le bouclier fiscal a repris récemment, à l'Assemblée nationale. Le président a touché les ardeurs des députés UMP, les renvoyant dans les cordes, argumentant qu'il était hors de question de remettre en cause, ce symbôle du quinquennat. Mais politiquement et symboliquement, cette position pourrait aussi devenir difficile à tenir.
En réalité, la solution est plutôt simple et elle permettrait même à la droite, de sortir par le haut stratégiquement, sans se renier. A l'image de la préconisation du sénateur, Philippe Marini, il suffirait ainsi de revoir l'ISF, puis le bouclier fiscal, qui n'aurait ainsi plus de raison d'être. Le second a d'ailleurs été inventé par Sarkozy, car il n'osait supprimer le premier. Mais Nicolas Sarkozy gardait en mémoire, le souvenir cuisant de la suppression de l'IGF par Chirac en 1986-87, avant la défaite à la présidentielle de 1988. L'”Impôt de Solidarité sur la fortune” (ISF) a succédé en 1989, à l'”Impôt sur les Grandes Fortunes” (IGF), créé en 1982, par le gouvernement Mauroy. Cet impôt fait depuis figure d'exception française. La création du “bouclier fiscal” avait un motif qui est l’ISF, mais aussi un autre, qui n'est guère souligné et dont personne ne parle, à savoir l'Europe. Depuis vingt ans, la Commission de Bruxelles a en effet, organisé la concurrence fiscale entre Etats, d'où la fiscalité très faible de l'Irlande, par exemple, entraînant la baisse des impôts dans tous les pays européens. Et l'ISF a contribué depuis 1989, au départ des nombreuses fortunes hexagonales, dans un phénomène d'expatriation fiscale vers les pays voisins (Suisse, Belgique, Luxembourg, Irlande…), qui selon un rapport du Sénat en 2006, connaissait une forte recrudescence depuis 2003.
L'ISF fait ainsi débat sous de nombreux plans, l'économiste Patrick Artus, certes souvent polémique, ayant avancé dans une étude récente, que cet impôt “couterait deux fois en TVA non perçue ce qu'il rapporte“. De plus, l'ISF est un impôt déclaratif, parfois contourné. Ce sont 130 milliards d'euros de capitaux qui ont quitté la France, entre 1997 et 2006. Cette expatriation fiscale entraînée aurait généré un manque à gagner estimé à près de 10 % des recettes fiscales annuelles de l'Etat français. C'est pour cette raison, que Jean-François Copé créa le bouclier fiscal. L'objectif était de marquer un coup d'arrêt, à la fuite de capitaux. La droite a d'ailleurs fait preuve de nombreuses maladresses, comme en 1995, quand Alain Juppé a déplafonné l'ISF, dont les socialistes avaient plafonné le montant maximal. Ce qui amena de nombreux entrepreneurs et grandes fortunes, à suivre la voie de l'exil, déjà empruntée. Un rapport du Conseil économique et social de 2006, précise que ce déplafonnement était responsable d'une perte fiscale et économique d'environ 70 milliards d'euros. Ajouté aux départs de nombreuses grandes fortunes, l'ISF en est devenu essentiellement un impôt immobilier. A côté de ces 70 milliards d'euros, le coût du bouclier fiscal est d'ailleurs ridicule, soit entre 500 à 600 millions d'euros par an. Ils sont peu nombreux, à en profiter (environ 834 contribuables concernés), et très riches. Et si l'on supprime ce bouclier fiscal, sans toucher à l'ISF, ceux là vont également prendre la voie de l'exil et s'expatrier en Belgique ou ailleurs. Mais si on ne le supprime pas, on souhaite bien du plaisir au gouvernement, pour justifier les hausses de la CSG des retraites ou de la dépendance, qui ne seraient pas payer par certains. Ainsi cette suppression de l'ISF est la clef, car il conviendrait de reposer notre système fiscal - d’ailleurs fort complexe - entièrement à plat.
Mais une telle suppression ne pourrait s'envisager, que dans une réforme fiscale globale, menée en début de législature, par une majorité disposant de la légitimité du suffrage populaire, après une campagne explicite. Après suppression du bouclier fiscal et de l'ISF, le gouvernement créerait ensuite une tranche supérieur de l'Impôt sur le Revenu, et s'il était vraiment audacieux, supprimerait (ou plafonnerait drastiquement), les niches fiscales récemment créées. Depuis la crise, les Etats européens ont relevé leurs taux d'imposition, pour financer leurs déficits souvent colossaux. La fiscalité française revient peu ou prou, dans la norme européenne, et Nicolas Sarkozy a toutes les raisons de faire, ce que la gauche et la droite promettent depuis quinze ans, à savoir “le grand soir fiscal“. A un an des élections présidentielles, pour un président dit de la rupture, c'est d'ailleurs l'occasion ou jamais…
J.D.
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