Ce mercredi 6 avril, j’ai rejoint l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon pour suivre la conférence de Jean-Pierre Chevènement, qui présentait son dernier livre intitulé La France est-elle finie ?
Ce n’est pas la première fois que je voyais Chevènement en personne étant donnée ma présence l’an dernier aux Universités d’été du Mouvement Républicain et Citoyen, dont il est président d’honneur. Or lui et moi n’avions pas eu l’occasion de discuter ensemble.
A la conférence en question, je tenais à intervenir en lui donnant mon point de vue sur l’avenir de notre pays, déterminé notamment et naturellement par l’échéance de l’élection présidentielle de 2012.
Au cours de la première heure de cette conférence, Chevènement a bien entendu présenté son livre, que je n’ai pas encore lu mais que j’allais acheter et faire dédicacer par son auteur ce soir-là.
Il a parlé notamment de l’évolution du système économique qui s’est imposé à l’Europe à savoir un système capitaliste dérégulé et financier. Il a insisté sur le poids du texte appelé Acte unique européen de 1986, ouvrant la voie à la réalisation du marché unique et préparant le Traité de Maastricht (1992). Il a évoqué la psychologie des grands hommes de l’histoire de la France du siècle dernier à savoir Clémenceau, De Gaulle et Mitterrand. En bref, même s’il reste très intéressant, doté d’une analyse pertinente, il n’a rien dit de nouveau par rapport à ses interventions médiatiques de cette année.
Place aux questions du public. Evidemment, le public est en majorité composé de jeunes étudiants en sciences politiques. Le premier intervenant explique à Chevènement qu’il est pour une fédération des nations européennes. Chevènement lui conseille alors de lire davantage, de revoir ses analyses. En effet, il relève l’aspect irréaliste et donc irréalisable de cette idée fédérale de l’Europe.
Je suis le deuxième intervenant. Je vais garder le micro pendant longtemps. Je suis au premier rang, devant Chevènement. C’est presque un face à face.
D’abord, je lui fais part de toute l’appréciation que j’ai pour lui : je le suis depuis des années, j’ai voté pour lui lorsque j’avais 18 ans aux présidentielles de 2002, j’ai lu plusieurs de ses livres sauf le dernier jusque là. Puis j’évoque le futur national.
D’abord, je lui dis que j’imagine qu’il sait très bien que le clivage gauche-droite est dépassé. Du moins, dans la situation d’urgence dans laquelle notre nation se trouve, démunie de sa souveraineté et donc de sa faculté d’établir elle-même des choix pour l’intérêt de ses membres, je lui indique que le clivage politique actuel oppose ceux qui défendent la souveraineté nationale aux autres, garants du précédent système économique autour duquel un vrai système politique s’est construit, supprimant notamment, avec les accords de Schengen, les frontières entre des pays européens.
Je lui dis que, comme lui, je tiens particulièrement à la souveraineté nationale, qui est l’un des principes de la République française par sa dimension démocratique et que je définis comme principe clé de voûte car permettant l’existence de tous les autres (laïcité, unité, solidarité).
Qui sont alors ceux qui défendent cette souveraineté aujourd’hui ? C’est là que j’évoque Marine Le Pen. Je parle à Chevènement de son dernier article relayé dans le journal Marianne et lui dis : « Vous y comparez Marine Le Pen au Maréchal Pétain, fallait le faire ! » Je poursuis : Marine n’a pas à subir le passé de son père, comme tout à chacun n’a pas à subir le passé de sa propre famille. En outre, elle ne dit pas comme lui. Elle a républicanisé le discours FN, qu’on le veuille ou non. Encore une fois, qu’on le veuille ou non, le FN est incontournable dans la vie politique française aujourd’hui. Moi, je suis pour un nouveau Pôle républicain dont Chevènement a été le meneur en 2002. J’évoque mon gaullisme de gauche, ma défense d’un modèle économique alternatif au capitalisme. J’évoque en un mot la cogestion, l’autogestion. Je lui dis que ça doit lui rappeler quelque chose… Et « malgré » mes références de gauche, je vois que Le Pen junior n’est pas comme son père et qu’on ne peut nier que ce rassemblement de patriotes – défenseurs de la souveraineté nationale et qui au-delà de ça sont attachés à la France – ne peut que se faire essentiellement à droite.
Alors j’aborde l’appel à celui-ci, formulé par Paul-Marie Coûteaux datant de la semaine d’avant. Je lui dis : « Je ne sais pas si vous le voyez encore mais c’est sûr que vous l’avez connu puisqu’il a été des vôtres en 2002 ! »
Le porteur de micro me demande de conclure. Chevènement reste assis devant moi. Je recommence à parler de lui, lui demandant de montrer l’exemple une dernière fois même si j’ignore comment mais c’est à lui de me le dire. Je tiens à achever mon intervention par l’exemple que j’ai utilisé dans ma lettre du mois d’Avril retrouvable plus bas dans mon blog. Je dis : « Même si nous ne sommes pas en guerre physique, ayons en tête les présentes révolutions arabes. Demain, ça peut être ici comme là-bas. Et rappelons-nous du Général de Gaulle qui a su rassembler des membres de l’Action française et des Français de confession juive à Londres. Et pourtant, on imagine leurs profonds désaccords… »
Je n’ai pas le temps de finir de parler que quasiment tous les individus de la salle – sauf les plus anciens des deux premiers rangs – se mettent à applaudir voire à crier… Chevènement lève les yeux, les regarde. Je termine en haussant donc la voix pour qu’on m’entende : « Ces gens-là ont su se réunir, malgré leurs différences, pour la liberté et la souveraineté de la France ! »
Sa réponse n’aura pas d’applaudissements. Il me dira que personne n’a jusque là répondu à Coûteaux par l’affirmatif, que le FN c’est la chasse aux immigrés, que Marine Le Pen n’est pas une politique sérieuse. Il me fait enfin comprendre qu’au moment où la situation de notre pays sera encore aggravée, le peuple saura se tourner vers quelqu’un d’autre, en faisant allusion encore une fois à De Gaulle puis à Clémenceau, ayant en réalité la politesse de ne pas parler de lui-même…
La conférence se termine par une séance de dédicaces de son dernier livre. J’en profite pour me munir d’un exemplaire. Il me le signe, on échange quelques mots sur Jean Monnet, Jacques Delors. Il me dit : « Vous vous rendez compte du rôle qu’a eu Jean Monnet dans la construction européenne ? » On se sert la main. Je lui dis : « Et que vive la France ! » Il me fait un grand sourire. Il est temps de partir.
Anthony Michel
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