Depuis sa candidature aux primaires socialistes, François Hollande progresse dans les sondages, l'Ifop relevant que “pour la première fois depuis 2007, il est le dirigeant du PS bénéficiant de la meilleure cote d'opinion, auprès des sympathisants socialistes (84 %)“. Et ce qui ne serait pas fini, selon certains analystes. Longtemps, François Hollande a été le chouchou des journalistes. Par son humour, sa joviale bonhomie, son talent rare à décrypter les situations politiques les plus embrouillées, il leur machait la moitié du travail. Et aujourd'hui, il touche son retour sur investissement. Ce qui est l'occasion de revenir sur cette candidature, son programme et ses stratégies inhérentes.
Il est vrai, les journalistes l'ont maintenu à flots, ces derniers mois, “alors qu'il avait disparu des radars de la scène politique“. Quand François Hollande n'avait pas de programme, ils ont parlé de sa vie personnelle, de sa personnalité ou de son régime alimentaire. Ils ont vanté son esprit de sérieux, parce qu'il osait annoncer qu'il augmenterait massivement les impôts. Leur complicité va d'ailleurs au-delà des sympathies personnelles. Hollande est le produit le plus abouti d'un certain consensus médiatico-politique. Très attentif au déficit budgétaire et à la dette, il ne rompt jamais le politiquement correct sur l'immigration ou l'Islam, une orthodoxie parfaite sur l'Europe, mais aussi la mondialisation. Avec lui, les audaces timidement protectionnistes du programme socialiste, resteraient lettre morte. C'est le meilleur élève de la classe Delors / Jospin. Bien que n'ayant jamais été ministre, Hollande est le plus pur produit de la gauche de gouvernement. C'est pendant qu'il était premier secrétaire, un long règne de dix ans, que le PS est redevenu ce parti de notables locaux, qu'il était à l'époque de la SFIO de Guy Mollet. C'était l'homme du consensus mou entre les différentes tendances du PS, normand fidèle à ses racines, habile adepte du “p't'être bien qu'oui, p't'être bien qu'non” et véritable roi du compromis.
Suite à son régime alimentaire draconien, François Hollande a changé d'image (plus dynamique), mais aussi d'époque. Il n'a plus cette image de bourgeois rassurant des banquets républicains d'antan. Hollande veut rester le candidat des élites, l'incarnation de ce cercle de la raison au PS. Sur sa route, il ne lui reste plus qu'à supplanter dans ce rôle, Dominique Strauss-Kahn, qui le devance encore, mais qui perdrait des points, comme dans une parodie politique de la fable du lièvre et la tortue. Pour soigner sa différence, Hollande utilise d'ailleurs habilement une image de terroir, ces derniers temps, pour contre-carrer son manque de charisme personnel, accentuant à dessein, le clivage avec le candidat lointain de Washington. Comme l'a analysé Eric Zemmour, il a retenu de Mitterrand, que le drame des socialistes d'aujourd'hui, était ne jamais parler de la France, de ne jamais chercher à s'inscrire dans ce roman national, que les élites bien-pensantes vouent aux gémonies. L'Elysée l'intéresse clairement, et ce serait même selon certains, “sa seule obsession” bien dissimulée. Mais François Hollande a tiré les leçons de cette mésaventure de 2006-07, “dans laquelle la marionnette a échappé au marionnettiste“. Il a abandonné aussi, ces habits d'apparatchik et d'énarque qui lui allaient mal, son personnage reverdissant maintenant qu'il est officiellement candidat.
Mais voyant le danger, comprenant que la droite a misé sur lui, pour diviser le PS, craignant que les militants aient gardé une affection pour leur ancien secrétaire, les amis politiques d'Hollande - de Fabius à Aubry, en passant par Delanoë -, “l'ensevelissent sous un tombereau de mépris“. Mais ne serait-il pas déjà trop tard ?
J. D.
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