La Vie a accompagné l’ancien premier ministre dans sa visite de la maison natale de Charles de Gaulle, à Lille, et une fabrique de viennoiseries, à Marcq-en-Baroeul.
Rien ne semble pouvoir faire plier Dominique de Villepin. Ni le procès en appel de l’affaire Clearstream qui s’ouvre le 2 mai prochain à Paris. Ni les critiques qui fusent contre son projet présidentiel, présenté jeudi dernier. Ni les défections de ses amis. Dernier en date : Daniel Garrigue, porte-parole de République Solidaire, qui a claqué la porte la veille de la présentation du projet à la presse. Avant lui étaient partis Georges Tron et Marie-Anne Montchamp, que Nicolas Sarkozy avait appâtés avec un poste ministériel. Enfin, François Goulard a pris ses distances avec le programme villepiniste.
Ce lundi matin, sur le quai ensoleillé de la gare du Nord, Dominique de Villepin est tout sourire, aidant une maman à transporter sa poussette dans le wagon, saluant les contrôleurs et quelques voyageurs étonnés. Main tendue, un mot pour chacun, la bise aux dames, l’ancien premier ministre fait furieusement penser à Jacques Chirac auprès de qui il a passé de nombreuses années, comme secrétaire général de l’Elysée, ministre de l’Intérieur et enfin, premier ministre. Mais contrairement à l’ex Président, il est seul, de plus en plus seul. Même le maire de Marcq-en-Baroeul, Bernard Gérard, représentant départemental de l’UMP et soutien local de Jean-Louis Borloo, a fait savoir qu’il ne souhaitait pas le rencontrer… Une façon peu républicaine de lui signifier qu’à droite, il est un paria.
« Une révolution de la dignité »
Mais comme disait de Gaulle : « Plus on monte, moins il y a de monde. » Voilà une citation qui sied à Dominique de Villepin, en ces temps de disette amicale. « Evidemment, les défections d’amis, ça fait toujours de la peine, confie-t-il alors que le TGV file vers Lille. Mais la solitude ne me pèse pas. De toute façon, une bonne idée n’est pas portée par le plus grand nombre. » Hérissé par l’écart qui se creuse entre riches et pauvres dans notre pays, il prône une « révolution de la dignité ». Deux mesures-phares ont fait bondir ses collègues, à droite comme à gauche. La première préconise la distribution, comme au Danemark, d’un « revenu citoyen » de 850 euros à tous ceux qui en ont besoin, à partir de 18 ans. En contrepartie, Dominique de Villepin veut instaurer un « service citoyen » – travaux d’intérêt généraux, réseaux d’entraide – et des règles de citoyenneté fortes comme le vote obligatoire. Coût estimé : 30 milliards d’euros. « Ce n’est pas finançable ! » s’étranglent ses détracteurs.
La deuxième a provoqué une fronde massive chez les parlementaires… car elle révolutionne les institutions : il ne souhaite plus que dix ministres autour du Président, veut réduire d’un bon tiers députés et sénateurs et diviser la France en huit grandes régions. « Moi je casse les moules, se justifie-t-il. Je ne crois plus à la politique traditionnelle. On vit sous le joug politicien depuis trop longtemps. Il est temps que les Français s’affranchissent de leur classe politique. » Alors ça ! Pour un peu, on croirait entendre Jean-Luc Mélenchon. « Je me place au-dessus des partis qui proposent des programmes sans audace et clientélistes », assène-t-il. Une démarche gaulliste.
D’ailleurs, dès qu’il arrive à Lille, l’ancien Premier ministre fonce vers la maison natale de Charles de Gaulle qu’il n’avait jamais visitée. Lieu symbolique où il écrit sur le livre d’or : « A celui qui hier comme aujourd’hui montre le chemin du rassemblement des Français. » Puis, il grimpe dans l’autobus où se presse une dizaine de fans, adhérents de République Solidaire. Direction : Marcq-en-Baroeul. Francis Holder, président de Château Blanc, fondateur des boulangeries Paul, une des plus grosses fortunes du Nord, lui fait visiter son usine de viennoiseries et de pâtisseries. Dominique de Villepin, charlotte sur la crinière poivre et sel, déambule, à l’aise, entre les rails de pâtes à pain et les tapis de macarons. Il défend son programme point par point face à Francis Holder, peu amène sur son programme présidentiel, notamment du revenu citoyen. « En France, la valeur du travail s’est perdue, » regrette le boss. Mais Villepin persiste: « Nous sommes une société de castes. Je veux créer de nouveaux leviers pour corriger les inégalités du système. »
Dans le train du retour vers Paris, il reste sur sa ligne : « Moi, je ne fais pas un projet pour plaire à la classe politique ou aux patrons, mais pour répondre aux attentes des Français. » Séducteur, il félicite une jeune femme enceinte, « l’avenir de la France », distribue quelques macarons offerts par Francis Holder. « J’aime manger, j’aime les produits du terroir… s’enthousiasme-t-il. En France, un homme politique se doit d’avoir la culture du produit. » Un tacle non-dit à son adversaire Nicolas Sarkozy, qu’on sait peu enclin à la gourmandise franchouillarde, qui se gargarise d’eau minérale et de yaourts blancs…
Ce déplacement a galvanisé Villepin. Et puis… Martine Aubry lui a fait livrer des chocolats en signe de bienvenue dans le Nord. Quant à Jean-Louis Borloo, il l’a appelé pour désapprouver l’attitude du maire de Marcq-en-Baroeul et l’assurer de son amitié. Dominique de Villepin n’est peut-être pas si seul… En tout cas, c’est sûr, sa capacité de nuisance reste intacte.
Lavie.fr, Olivia Elka
http://www.gaullisme.fr/2011/04/19/dominique-de-villepin-seul-et-jusquau-boutiste/