Maurice Szafran répond, une bonne fois pour toutes, aux attaques essuyées par Marianne quant à son traitement médiatique du Front national : effectivement, le journal considère que la radicalisation de l'UMP et la paralysie socialiste sont de bien plus grands dangers pour la France que les poussées momentanées du Front national.
Dans une récente émission de télévision (« Mots Croisés » d’Yves Calvi sur France 2), notre consœur du Nouvel Observateur, Ariane Chemin, s'en est une nouvelle fois prise à Marianne - ce qui est parfaitement son droit, la polémique politique, idéologique ou culturelle étant plutôt a notre goût. Mais, plus précisément, que nous que nous reprochait ce jour-là l'excellente Mlle Chemin? Ceci : nous serions plus durs, plus sévères, plus impitoyables envers Nicolas Sarkozy qu'à l'encontre de... Marine Le Pen !
Alors, voyons voir.
D'abord, et même avant tout, nous n'avons pas de compte à rendre - hormis à nos lecteurs, et certainement pas à des confrères seraient-ils du Nouvel Observateur et, à ce seul titre, détenteurs d'une partie de la morale publique, du moins s'en sont-ils eux-mêmes convaincus... L'extrême droite, qu'elle soit incarnée en France par Jean-Marie, puis par Marine Le Pen, ça ne change rien à l'affaire, est un ennemi irréductible. Non pas un adversaire ; un ennemi. Inutile d'ailleurs d'en rajouter : seuls des esprits malades (ou inquiets, et nous privilégions d'ailleurs cette seconde hypothèse) peuvent nous soupçonner. De quoi d'ailleurs? De ménager le FN ? Ridicule, simplement ridicule. Aucune réponse ni explication à fournir, certainement pas.
Depuis les premiers jours de la République, l'extrême droite incarne une tradition et une force politiques ; plus ou moins importantes, plus ou moins influentes. Aux origines de la Ve République, l'extrême droite - le Front National en l'occurrence - fut longtemps marginalisée. Influence réduite. Mais comment faire, dès les années 80, avec le lepénisme renaissant ? Cette interrogation-là est plus nécessaire que jamais. Mais elle concerne avant tout les républicains, la droite et la gauche, leurs insuffisances, leurs silences et leurs lâchetés. C'est en cela que Jean-Marie puis Marine Le Pen et le Front National en tant que tels ne nous intéressent guère. Ils incarnent l'ennemi - nous le savons et eux aussi.
Ce qui importe, ce qui nous concerne au premier chef ? Nos propres faiblesses, celles du camp républicain, ses reniements. Parfois, tant sur son flanc droit que sur son aile gauche. En 2007, nous nous étions réjouis que Nicolas Sarkozy parvienne à ramener de nombreux électeurs lepénistes parmi les républicains. Quatre ans plus tard, l'alignement du chef de l'Etat sur certaines thèses frontistes pourrait changer la nature même de la droite républicaine. Cela nous perturbe davantage que, par exemple, les élucubrations économiques de Mme Le Pen.
Ce n'est d'ailleurs pas tout à fait exact...
Si une (bonne) partie de l'électorat dit populaire est sensible aux thèses (absurdes) notamment économiques, financières et sociales, du FN, c'est précisément en raison de l'incapacité de la gauche, de la social-démocratie d'assumer le défi social. Alors répétons-le à Ariane Chemin et aux autres : oui, la dérive de Sarkozy et les blocages du PS nous perturbent davantage que les coups de menton du FN.
Maurice Szafran - Marianne
http://www.marianne2.fr/Face-a-Le-Pen-et-Sarkozy-nos-priorites_a205264.html