C’est un des angles morts les plus incroyables de la pensée économique dominante, véhiculée par Alain Minc, Jacques Attali et consorts. S’ils clouent au pilori toute personne ayant l’audace de parler de protectionnisme commercial, ils oublient les autres protectionnismes.
Les protectionnismes oubliés
Si les quotas ou tarifs douaniers sont anathèmes pour les néolibéraux et tous ceux qui, au PS ou à l’UMP, suivent leurs préceptes, bizarrement, ils oublient qu’il existe bien d’autres formes de protectionnisme pas moins efficaces que les bons vieux droits de douane aux frontières. Après tout, aujourd’hui, l’euro est surévalué de près de 40% par rapport au dollar : cela revient à un tarif du même niveau. Et le wuan est lui-même sous-évalué de 40% par rapport au dollar…
La différence est que le protectionnisme monétaire est accepté (certes en grommelant) alors que les droits de douane sont interdits. Il y a quelque chose de totalement ubuesque à permettre à des pays de mettre en place des barrières commerciales, du moment qu’elles sont monétaires, alors qu’il est très difficile de mettre en place des droits de douane. L’asymétrie entre les deux laisse songeur, et amène à questionner la sincérité de ceux qui agissent contre l’un mais pas l’autre.
Mais il y a encore d’autres protectionnismes que les libre-échangistes peinent à prendre en compte : les protections non tarifaires, les normes, les barrières pour la distribution ou l’installation. C’est la spécialité des pays asiatiques, extrêmement protectionnistes pour leur marché intérieur (plus de 95% des voitures vendues au Japon, en Corée du Sud et en Chine sont fabriquées localement), mais aussi les normes DIN qui protègent les industriels Allemands.
Banaliser le protectionnisme
Bien sûr, les défenseurs inconditionnels du libre-échange ne manqueront d’agiter le spectre de la Grande Dépression en expliquant que le protectionnisme aurait lourdement accentué la crise de l’économie mondiale dans les années 1930. Mais trois prix Nobel (Maurice Allais, Paul Krugman, Joseph Stiglitz) expliquent que le protectionnisme est une conséquence de la crise et non une cause, ce qui est confirmé par l’effondrement du commerce international en 2009.
En fait l’Europe devrait adopter une attitude dédramatisée à l’égard du protectionnisme, bien loin de ces traités qui sanctifient imbécilement « la concurrence libre et non faussée ». La Commission Européenne a fait du continent le dindon de la farce de la mondialisation néolibérale. Alors que le Japon a obtenu au début des années 1990 l’ouverture totale de notre marché à la vente de ses voitures, la réciproque n’est toujours pas vraie, de même qu’en Corée du Sud…
Si le protectionnisme n’est pas une fin en soi et sans aller jusqu’à l’autarcie, les quotas, les écluses tarifaires, ou normatives permettent à la fois d’assurer le maintien d’une industrie et d’un équilibre de nos échanges (sans quoi, à être ouverts à des pays fermés à nos produits, on finit mal) mais aussi un moyen de contrôler la qualité des produits qui rentrent et d’éviter que la libéralisation n’aboutisse à une course au moins-disant social, salarial et environnemental.
Si les idées protectionnistes gagnent du terrain (le parti socialiste semble évoluer par la voix d’Arnaud Montebourg ou de Benoît Hamon), les avancées sont encore timides. C’est pourquoi il est important de montrer que finalement, tout le monde est protectionniste, à part l’UE…
Laurent Pinsolle
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