L'affaire des quotas dans le football révélée par Mediapart a fait grand bruit. Maurice Szafran revient sur ce dérapage dans un monde du football, qui est, certes l'incarnation des dérives du monde capitaliste mais également un sport qui participe au rêve collectif français.
Par nature et depuis son origine, le milieu du foot est multiethnique, multiracial, multi-religieux. Nos trois plus grandes stars nationales? Raymond Kopa, d'origine polonaise ; Michel Platini, d'origine italienne ; Zinedine Zidane, d'origine algérienne. Inutile de revenir sur l'équipe black-blanc-beur, championne du monde en 1998 ; inutile d'insister sur la nature par définition métissée de ce sport, ce qui explique en grande partie son universalité.
Une fois ces banalités, ces évidences rappelées, qu'en est-il de cette affaire révélée par nos confrères de Mediapart des quotas (une aberration, précisons-le sans plus attendre, contraire à tous les principes qui régissent la vie des Français en République) que certains responsables sportifs de la Fédération Française de football - notamment le sélectionneur de l'équipe de France, Laurent Blanc - auraient songé à imposer aux jeunes joueurs d'origine africaine et nord-africaine ? Qu'on nous autorise une série de remarques.
1. L'affaire des quotas du foot aura provoqué un énorme choc politico-médiatique. Réactions de la plupart des responsables politiques ; sanction prise par la ministre des Sports, Chantal Jouanno, envers le directeur technique national du football français, lequel dirigeait la réunion incriminée ; pas un journal, pas une radio, pas une chaîne de télé, pas un site d'information, pas un blog d'influence qui n'aient repris et commenté les révélations de Mediapart. Des réactions excessives ? L'information en boucle qui n'en finit plus précisément de tourner... en boucle ?
Je ne crois pas.
2. Le foot en soi est dérisoire, bien sûr. Le foot incarne aussi, et dans le moindre détail, le pourrissement des comportements inhérents au capitalisme financier. Mais le foot n'est pas que cela : il émerveille les peuples, il est une part de notre rêve collectif ; il peut, à sa façon étrange, exprimer le meilleur d'un peuple ; et la culture foot, ce qu'elle peut exprimer de l'âme humaine, n'est pas à dédaigner, au contraire. Voilà pourquoi le scoop de Mediapart émeut un pays tout entier.
3. Raciste, l'univers du foot ? Là encore, je reste persuadé du contraire. Le foot s'est en effet avéré une formidable machine à assimiler et à intégrer, à atténuer les différences, à rendre vivantes certaines formes de multiculturalisme.
Bien sûr le racisme s'est exprimée dans les stades, la plupart du temps dans les tribunes, rarement sur les terrains. A Belgrade, à Rome ou à Naples, des hooligans fascisants, bras tendus, sont parvenus à détourner l'objet foot. A jamais ? Sans doute.
4. Cela a-t-il le moindre rapport avec ce qui vient de se produire au sein de la Fédération Française de Foot ? Evidemment pas.
Une conversation à bâtons rompus, disons-le clairement une discussion de beaufs indigne d'éducateurs, car c'était une réunion d'éducateurs dont il s'agissait. Le verbatim publie par Mediapart ne le laisse pas augurer...
5. Les fameux quotas. Opposés a nos principes républicains, ils sont par ailleurs inopérants. De quoi s'agit-il ? Un joueur français, formé dans un club français ou à l'Institut National du Football, sélectionné en équipe de France juniors ou espoirs peut décider par exemple d'aller jouer pour la ... Côte d'Ivoire si ses parents sont originaires de ce pays. C'est une loi édictée par la FIFA. On peut la contester, mais une décision nationale n'y changera rien à l'affaire. Seule la FIFA est habilitée à modifier le texte. En France sarkozyste, y compris au sein de la Fédération Française de Football, on se refuse à comprendre qu'il faut passer par la loi pour modifier la loi.
6. Or, il se trouve que des éducateurs qui se définissent eux-mêmes comme humanistes (Laurent Blanc, par exemple, l'affirme, et il n'y a aucune raison de lui dénier cette qualité) se sont ... lâchés, se croyant autorisés à utiliser dans une réunion officielle un vocabulaire que l'on croyait proscrit. C'est précisément le problème : en Sarkozie, on ne s'interdit pas grand chose, y compris un crypto-racisme sans grande importance. Mais quand même...
Maurice Szafran - Marianne
http://www.marianne2.fr/Le-symptome-du-foot_a205756.html