Les élections cantonales étaient le dernier test intermédiaire avant les échéances de 2012. Et comme les 2 précédentes élections, le résultat est sans appel pour l’UMP : une défaite très sévère avec un recul constant de l’influence du parti unique dans les différents départements et auprès des français. L’exception du Val d’Oise qui a été reconquis (et que je connais bien), est plus un épiphénomène lié à la politique locale (gauche minoritaire et divisée sur Argenteuil, droite élargie dans l’UVO…) qu’une tendance de fond de reconquête UMP.
Le constat est même pire que les 2 précédents tests où l’UMP avait fait illusion. En 2009, le mode de scrutin avait permis à l’UMP de sortir gagnant des européennes en jouant à fond sur l’union au premier tour dans un scrutin qui n’en compte qu’un mais en ne réunissant que 29% des français. En 2010, la triste performance de 2004 avait permis de ne pas voir une dégradation supplémentaire. Cette année, pas de biais statistique ou lié au mode de scrutin, et le recul se voit comme le nez au milieu de la figure. Avec 19% des voix, l’UMP fait moins de voix que le défunt RPR au premier tour. Et comme il n’y a plus d’autres partis de droite qui participent à l’union de la droite et du centre, le parti unique sombre et devient minoritaire.
Le politologue Dominique Reynié estime qu’avant les cantonales, la droite avait perdu plus de 1000 positions locales depuis 1995 dont une très grande partie après 2002. Et ces élections cantonales ont encore aggravé la situation. La stratégie du parti unique mène à un recul généralisé pour la droite parlementaire en terme d’élus mais également à une division de la droite sans aucune possibilité d’alliance qui fait le jeu de la gauche : le FN supplante l’UMP dans bons nombres de circonscription où l’électorat populaire ne croit plus aux promesses non suivies d’actes du président et du parti unique, les opposants de droite (sous l’appellation très large des DVD) reprennent des bastions à l’UMP ou la font perdre dans certains cas car aucune alliance n’est possible avec un parti qui se veut hégémonique, la gauche partout domine alors qu’elle est minoritaire dans le pays… La situation est à tel point catastrophique que la majorité sénatoriale est menacée en septembre et que si la droite perd en 2012 la présidentielle et les législatives qui suivent, la France sera entièrement à gauche.
Le constat est très sévère pour cette stratégie du parti qui n’a fait que marquer un recul de l’influence de la droite mais pour comprendre l’ampleur de la catastrophe, il faut revenir à 2002 et sa création par J.Chirac. Il profite de l’occasion du Front Républicain qui se constitue au second tour sur son nom pour unifier la droite et le centre. Les objectifs sont multiples et surtout politiciens : réduire le pouvoir de nuisance de l’UDF qui a toujours été le cailloux dans la chaussure du RPR, asseoir son emprise politique sur tous les courants de la droite et du centre, éviter les dissidences et l’éparpillement des voix qui ont fait de la droite « la machine à perdre » ou « la droite la plus bête du monde » depuis les années 80, se mettre à l’abri du risque FN en s’assurant un socle important au premier tour… D’ailleurs beaucoup de dirigeants des 2 grands partis (RPR et UDF) avaient théorisé ce parti unique. Le mythe du bipartisme américain n’y étant pas étranger pour certains. Au final, le RPR et Démocratie Libérale se fondent dans l’UMP, le Forum des Républicains sociaux et le Parti Radical sont des partis associés et les deux tiers des députés UDF rejoignent la nouvelle formation.
L’union des gaullistes, centristes et libéraux a bien eu lieu et d’autant plus facilement que pendant les années 90, Chirac avait entrepris de totalement « rénové » le RPR afin de ne plus connaitre l’ostracisme médiatique des années 80 et avoir une chance de gagner la présidentielle. A la fin du 20ème siècle, le RPR est totalement udfisé sur ce qui faisait les grandes lignes historiques du mouvement gaulliste : ralliement au libéralisme économique, au libre-échange façon OMC, acceptation des concessions sur la souveraineté nationale avec l’Acte Unique, Schengen, Maastricht et Amsterdam, acceptation de toujours plus d’intégration européenne dans la logique fédéraliste de Monnet, retour dans l’OTAN (qui avait été envisagé par Chirac en 1996), effacement de l’Etat devant la société civile, immigrationnisme pour être en accord avec les droits-de-l’hommisme médiatiques et les aspirations économiques du MEDEF…
Ce nouveau parti, s’il est bien le symbole de la victoire idéologique des centristes et des libéraux sur les gaullistes (comme le montre l’abandon de presque tous les signes gaullistes à partir de 2002) marque aussi un tournant dans l’histoire de la droite et du centre, un tournant que C.Pasqua (qui a souvent le don de trouver des formules justes) a qualifié « d’Union dans le rétrécissement ». Car avec la parti unique, le programme devient aussi unique, les investitures deviennent aussi uniques. Tout cela fait que petit à petit toute diversité idéologique est bannie du parti, toute nouvelle tête est systématiquement écartée par les sortants…
Et donc de fait, toute position divergente, même au sein de la droite et du centre, est rejetée dans l’opposition. On le voit bien avec F.Bayrou depuis 2002, Nicolas Dupont-Aignan et D.de Villepin depuis 2007, J.L.Borloo désormais…surtout quand le chef du parti unique fonctionne aussi fortement sur un mode « avec moi ou contre moi ». La stratégie du parti unique à la mode Sarkozy amène l’UMP à se rétrécir de plus en plus et à devoir gagner seule contre tous, y compris contre des électeurs de son propre camp. Quand en plus la stratégie est à ce point embrouillée (discours très droitier après avoir fait l’ouverture, actes qui ne suivent en rien les annonces, gages donnés aux opposants contre ses propres électeurs, non-remise en cause du cadre contraignant de l’Euro, de l’Union Européenne et de l’OMC qui empêche toutes marges de maoeuvres…), il ne faut pas s’étonner que l’électorat se rétrécisse…
Avec un tel rejet du chef de l’Etat et avec cette stupide stratégie du parti unique, le véritable risque des échéances de 2012 est que la droite perde ces élections alors qu’elle est majoritaire dans le pays. Et une défaite signifierait un très grand danger pour la droite parlementaire qui, après avoir perdu presque tous les pouvoirs locaux, en viendrait à abandonner le gouvernement de la France. Cela la mettrait sur un pied d’égalité avec le FN pour représenter l’opposition à cette gauche ultra-dominante mais minoritaire…
Mais la nature ayant horreur du vide, petit à petit, la stratégie du parti unique est en train de s’effondrer. Les résultats des élections cantonales l’ont fort bien montrés à plus de 14% pour les DVD dont une grande partie ont fait leurs résultats contre un UMP. Les centristes reprennent également leur autonomie petit à petit et des collectifs dont celui très intéressants de la Droite Populaire se constitue pour aller dans des sens opposé. En fait, seul le soutien à N.Sarkozy (et la perspective de perdre les investitures pour les législatives) tient encore ce parti éclaté entre une aile européo-centriste, une aile libéral-conservatrice et une aile gaulliste. Comme par hasard, les trois familles qui avaient présidé à la constitution de l’UMP et qui n’y trouvent plus leur compte.
Il faut espérer que la recomposition de la droite ait lieu rapidement avant que ce ne soit une décomposition et Debout la République aura toute sa place à prendre dans cette recomposition en défendant les valeurs gaullistes, républicaines et sociales auxquelles nous sommes tant attachées.
Nicolas Calbrix
Délégué DLJ Val d’Oise