Les propositions de Laurent Wauquiez, lundi, contre le « cancer de l'assistanat » ont rapidement déclenché un tollé dans l'opposition. Pourquoi Laurent Wauquiez s'offusque-t-il du RSA quand le salaire d'un Pdg ne semble pas le heurter ? Jack Dion revient sur ces propos.
C' est le match de l’année, celui qui devrait nous tenir en haleine jusqu’à l’élection de 2012. Son thème ? « Les dérives de l’assistanat », comme le dit Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes, un homme très bien puisqu’il est également animateur de « la droite sociale ». D’après lui, c’est le « cancer de la société française », bref l’équivalent du Médiator pour le débat public.
Pour que chacun puisse prendre la mesure du scandale, Laurent Wauquiez a pris l’exemple suivant : « Un couple qui est au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux peut gagner plus qu’un couple dans lequel il y a une personne qui travaille au smic ».. Et le ministre de conclure, un rien grandiloquent : « Ca, c’est la société française qui tourne à l’envers ». Tel que.
Résumons. Quand un Pdg gagne en un mois ce que gagnerait un Smicard ayant commencé à travailler sous Vercingétorix sans n’avoir connu aucun arrêt maladie, Laurent Wauquiez trouve que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Quand des banquiers sont drogués aux bonus comme certains sportifs à l’EPO, Laurent Wauquiez pointe aux abonnés absents. Quand des Pdg se goinfrent aux stock options et aux retraites chapeaux, Laurent Wauquiez détourne le regard. Quand des riches touchent un chèque du fisc grâce au bouclier fiscal, il ne vient pas à l’esprit de Laurent Wauquiez l’idée de dénoncer cette « assistanat » de classe. Quand Total annonce 10 milliards de profits sur la balance pour 2010 mais ne paie pas un centime d’impôt sur les sociétés, Laurent Wauquiez n’a rien à dire. Quand des groupes géants ayant pignon sur rue de la délocalisation encaissent des fonds publics et vont installer des filiales sous des cieux plus cléments (fiscalement parlant), Laurent Wauquiez ne s’offusque pas. Quand certains de ces mêmes groupes, malgré des résultats financiers en or massif, refusent de rembourser tout ou partie de leurs dettes à la sécurité sociale, personne n’entend Laurent Wauquiez.
A ses yeux, tous les exemples précités sont le témoignage enthousiasmant d’une « société qui tourne à l’endroit » pour s’inspirer de sa formule. En revanche, un couple sans enfant qui touche 700 euros par mois au titre du RSA, voilà qui le révulse.
Au passage, on précisera que le ministre raconte n’importe quoi. Un couple avec un RSA touche toujours moins qu’un couple avec un Smic, puisque celui-ci est 1070 euros net. Même avec des enfants, un couple de smicards gagne plus qu’un couple de Rsastes. Et puis, si le « scandale » dénoncé par Laurent Wauquiez était vrai, il aurait pu proposer de remonter le taux du Smic. Mais le ministre s’en est bien gardé. Ce serait trop demander aux entreprises étouffés par le « coût du travail », comme on dit chez ces gens-là, et jamais par celui du capital (voir plus haut).
Laurent Wauquiez a proposé deux réformes possible : plafonner l’ensemble des minima sociaux à 75% du smic, et obliger les « bénéficiaires » du RSA à effectuer 5 heures hebdomadaires de travaux de « service social ». La première formule permettrait d’amputer ce que perçoit un couple avec enfant touchant le RSA, autrement dit de rajouter de la misère à la misère. Quant à la seconde, elle accrédite l’idée que les allocataires du RSA sont des fainéants vivant aux crochets de la société alors que ce système prévoit un parcours d’insertion obligatoire sous peine de suppression des allocations.
En opposant les pauvres aux moins pauvres, Laurent Wauquiez donne le ton d’une thématique qui est un cadeau (un de plus) à la compagnie Le Pen. Que l’on nous comprenne bien. L’assistanat, fortement encouragé lors du passage de la gauche aux affaires, n’est pas un faux problème. Il faut l’aborder en face, sans faux fuyant ni œillères. Mais c’est une question trop sérieuse pour qu’on la laisse aux mains des apprentis sorciers.
On craignait que la future campagne présidentielle ne finisse par déraper. A train où elle démarre, elle peut même finir par s’enliser.
Jack Dion - Marianne
http://www.marianne2.fr/Wauquiez-sponsorise-le-match-de-l-annee-RSA-contre-SMIC_a206029.html