Dominique Strauss-Kahn aura eu une dernière élégance : démissionner du poste de directeur général du Fonds monétaire international, afin écrit-il de « préserver cette institution que j’ai servi avec honneur et dévouement ». Voici qui évite au board des 26 administrateurs du FMI, représentants les principales nations actionnaires, d’avoir à débattre de son cas publiquement et leur permet de commencer à pousser leurs pions dans la bataille de succession. Le fauteuil est convoité : un Africain du sud, un Indien, un Chinois, un Turc, une Singapourien, un Allemand et une Française, un Brésilien, une Egypto-britannique, sont déjà inscrits sur liste des « papabile ». Le choix d’un homme ou d’une femme sera, indiquera comme rarement dans l’histoire un choix dans orientation de l’économie internationale. DSK, tout social-libéral qu’il soit, avait aidé le FMI à se séparer du « consensus de Washington », la doxa économique orthodoxe qui imposait à tout pays dans la difficulté de réduire ses dépenses publiques, et ses impôts et de privatiser à outrance. En 2007, avec Dominique Strauss-Kahn, la relance keynésienne retrouvait droit au débat. La nomination d’Olivier Blanchard comme chef économiste en était le symbole, qui préconisait de laisser filer l’inflation pour permettre la reprise économique. « Il ne faut néanmoins pas surestimer la part personnelle de DSK dans ce nouveau cours . « Il arrivé à la direction du Fonds au moment où celui -ci était en pleine crise, et il lui avait permis d’évoluer », nuance l’économiste Jean Pisani-Ferry. Mais Thomas Chalumeau économiste de la Fondation Terra Nova insiste "après la séquence que nous avons vécu, le FMI ne reviendra pas au consensus de Washington avant des années".
A l’occasion de la crise, le FMI était redevenu un acteur majeur en Europe, venant à l’aide de la Lettonie, de la Hongrie, puis de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal. Le Fonds, autrefois spécialisé dans le sauvetage à la hache des pays pauvres, est massivement engagé (à hauteur de 100 milliards d’euros de prêts) auprès de pays classés -à tort quelquefois- comme « développés ». L’histoire retiendra peut-être que l’action de DSK a contribué à sauver l’euro en 2010, puisque seule l’implication du FMI (à hauteur d’un tiers) a permis de convaincre les Allemands d’engager le plan de sauvetage de la Grèce. Ert m^me si les manifestations et grèves se multi^plient en Grèce, les solutions alternatives comme la sortie de l’euro demeurent minoritaires dans l’opinion, de l’ordre de 25% selon les sondages. Depuis l’éclatement du Sofitelgate, la presse grecque mesure à quel point le pays a perdu un soutien de poids contre les faucons allemands. Reste à savoir si le remède administré par le FMI et l’Union européenne a sauvé la Grèce ou tué le malade, ou si la donne politique changeant, les Grecs ne vont pas rejeter plus massivement le médicament… Le véritable échec du FMI, mais aussi du G20, se situe au plan des monnaies: le Fonds dont la mission depuis 1945 est de veiller à la stabilité monétaire international n'a pas réussi à rompre avec l'infernal couple dollar/yuan qui menace chaque jour, par les déséquilibres qu'il provoque, le monde d'une déflagration épouvantable.
La succession de DSK au FMI pourrait, on le voit, tout remettre en cause. D'abord parce que le poste du FMi était avant le sofitelgate promis à un "émergent" après DSK, pour que l'Europe cesse de truster la fonction. Les Européens redécouvrent d'un coup qu'ils feraient mieux de conserver le portefeuille dans leur poche. Pourquoi un économiste venu d’Asie ou d’Afrique sera-t-il aussi compréhensif aux problèmes de l’Europe, première zone économique du monde, alors que l’Egypte, la Tunisie, le Maroc, en plein processus démocratique ont bien besoin de l’argent du Fonds ? Le choix éventuel d’un européen n’est pas davantage une garantie de continuité. Christine Lagarde, souvent citée parce que très populaire dans les cercles du pouvoir européen et américain, est connue pour ses options ultra libérale. Sa candidature éventuelle est néanmoins hypotéquée par l’affaire Lagarde-Tapie, tant qu’elle sera sous la menace d’un procès en cour de justice de la République pour abus de pouvoir. Et à Paris on n'imagine pas qu’elle puisse échapper à une instruction assez longue. Le champion d’Angela Merkel, Joseph Ackermann, est le vorace patron de la Deutsche Bank, caricature de la finance à risques. … On le voit chaque personnalité incarne une ligne de politique économique avnat même d’être entendue. De tous les prétendants éventuels, celui qui ressemble le plus à DSK, on pourrait même dire son clone (sauf sur le plan personnel…), serait Kemal Dervis, ancien ministre de l’économie, brillant économiste, social démocrate et europhile. Mais qui voudra d’un Turc sur la planète des puissants? L'enjeu est tel, le concert des nations tellement divisé et indécis, que les Etats-Unis ont déjà un plan qui leur permettrait de jouer sur les ambitions des uns ( les émergents) contre els peurs des autres (les Européens), tout en gardant la main sur l'institution. Ils proposent de nommer le numéro 2 du FMI, John Lipsky, qui avait annoncé son départ du fonds en août prochain, directeur général par intérim, c'est à dire pour un an... Lipsky, lui, est citoyen des Etats-Unis.
Hervé Nathan - Marianne
Modifié à 13 heures
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