Cette date anniversaire est importante dans le sens où les faits démontrent jours après jour les effets néfastes de la construction européenne telle qu'elle s'est faite. Il devient toujours plus difficile au système de cacher les vices de fonctionnement de l'euro ou les incohérences pratiques que produit cette structure bureaucratique. En mai 2005 j'avais voté non au TCE comme la majorité de mes concitoyens, cependant à l'époque j'étais déjà sceptique quant à la possibilité qu'il y avait à pouvoir sauver la monnaie unique et la construction européenne. J'étais d'ailleurs déjà septique quant à la possibilité de faire du protectionnisme européen. À l'époque je participai souvent au forum de Marianne sur l'ancien site de ce célèbre hebdo. Que de noms d'oiseaux ai-je reçu avec mes idées de protection nationale de dévaluation ou de contrôle des capitaux. Même sur ce forum qui attirer des gens plus à même d'avoir des idées hétérodoxes il était bien difficile de défendre alors de telles idées sans se voir caricaturer. "Quoi vous voulez le modèle albanais ou nord-coréen? " Rares étaient ceux à lire réellement les propositions ou à penser que l'UE était une construction impossible à sauver. Six ans plus tard, et une crise économique d'une ampleur jamais vue, les choses ont changé. Il n'est plus difficile aujourd'hui de critiquer l'euro. En tous cas, ces idées sont bien moins rejetées qu'il y a deux ou trois ans. Chez les alternatifs beaucoup ont évolué et sont passées d'une critique de la construction européenne visant sa simple réforme, à une volonté de sortie pure et simple de l'euro et de la construction européenne. Je pense ici à un collègue blogueur comme Malakine par exemple. Les positions ont changé et l'impensable est devenu la seule alternative crédible à la crise actuelle.
Le débat manqué
J'ai tout de même quelques regrets quant à l'évolution du débat sur l'Europe depuis 2005. Car ce vote me semble avoir été largement gâché par les hommes politiques, mais aussi par les citoyens. Je crois que le vote de 2005 était le dernier moment pour une vraie réforme de la construction européenne. Mais les européistes ont verrouillé le débat et l'ont interdit en violant au passage le vote français par une félonie dont le peuple se souviendra encore longtemps, ainsi que les historiens du futur qui jugeront je crois sévèrement cette dérive oligarchique de notre régime politique. Il était pourtant encore temps de sauver l'Europe à l'époque, si seulement les dogmatiques de l'euro l'avaient été un peu moins. Si seulement ils avaient accepté de prendre en compte les incohérences de la construction européenne. Mais les extrémistes sont ainsi, ils ne reculent devant rien pour imposer leur dogme jusqu'à ce que cela les conduise à la catastrophe, nous y sommes.
Mais il n'y a pas que chez les européistes qu'il y a eu des occasions manquées. Que dire du comportement des nonistes de gauche nombreux et puissants qui ont littéralement disparu après le vote. Jean Luc Mélenchon ou encore Laurent Fabius n'ont pas profité de leur victoire pour agir. Que se serait-il passé si au lieu d'écouter leurs intérêts à court terme ils avaient fait sécession avec le PS libéral? Où en serait aujourd'hui un tel groupe s'il avait existé avec Sarkozy au pouvoir et la crise de l'euro en gestation avancée? La réponse est simple, le phénomène Marine Le Pen n'existerait pas et ils seraient en train de se préparer à monter à la tête de l'état aux prochaines élections. À l'aune de l'histoire récente, on imagine ce gaspillage qu'a été la volonté de rester au PS des nonistes de gauche. On voit bien ici le prix à payer pour la pseudo-unité de la gauche dont on sait comme elle a fini en 2007. Trahir ses idées au nom du réalisme n'est pas si intelligent que ce que l'on peut croire à long terme, en fait ce n'est guère payant. Alors Mélenchon est effectivement parti, mais c'était déjà trop tard. II aurait fallu agir avant, tant que l'évènement était frais dans la tête de nos compatriotes. Les nonistes de gauche auraient certainement perdu en 2007, et toute la gauche avec, mais ils auraient créé une dynamique qui aurait tout écrasé pour 2012. Aujourd'hui, cette gauche protectionniste et euroseptique se fait manger par Marine Le Pen, vers qui les plus faible se tournent malheureusement. On a même failli avoir DSK comme candidat à la prochaine présidentielle, un homme encore plus libéral que Sarkozy.
Ces six années ont été gâchées, rien n’a été fait pour inverser la tendance de la construction européenne, ses contradictions se sont même largement aggravées. Nos élites s'enferment de plus en plus dans leur tour essayant d'empêcher toute forme de contradiction de les atteindre malgré les évidences et la réalité qui les entoure. Alors ils peuvent maudire ce vote sur le TCE et détester ceux qui ont rejeté leur constitution. En réalité, ce rejet était la dernière occasion qu'ils avaient pour pouvoir sauver leur construction, aujourd'hui il est trop tard. Le feu se répand, la Grèce va probablement quitter l'euro et d'autres la suivront ensuite. Chaque nation reprendra son destin en main et le rêve européen ne sera plus dans quelques années qu'un cauchemar dont personne ne souhaitera plus se souvenir.
En souvenir de cette époque, voici deux textes que j'avais écrits sur le forum de Marianne. Il date de 2005 pendant la période d'avant le vote,mais vous retrouverez facilement les thématiques actuelles, elles n'ont pas changé, sauf qu'aujourd'hui elles sont prises enfin au sérieux. Le premier texte concernait la monnaie unique et l'impossibilité qu'il y a pour la faire fonctionner. Le deuxième texte est une réponse à Emmanuel Todd et à un article qu'il avait publié en mai 2005 sur Politis. Un article qui m'avait particulièrement énervé puisque j'avais appris à ce moment-là que Todd était pour le "Oui". J'avoue n'avoir toujours pas compris son point de vue d'ailleurs. Je n'ai plus le texte original de Todd, par contre on doit surement pouvoir le trouver quelque part sur le net.
Yann
http://lebondosage.over-blog.fr/article-29-mai-2005-le-jour-ou-l-europe-est-morte-75071094.html