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(Ré)apprendre la démocratie : les révoltés des deux rives
06/06/2011 17:31
« Comparaison n’est pas raison » nous dit la « sagesse populaire » à laquelle il serait bon de revenir parfois, tant on semble avoir oublié dans nos contrées le sens de ces deux mots là. Nous ne feindrons donc pas de croire avec Olivier Besancenot que nous sommes à l’aube d’une révolution mondiale, initiée par les peuples arabes et reprise à leur compte par les Indignés de la Puerta del sol. Peut-être un avatar inattendu et moins poussif de l’Union pour la Méditerranée vient-il simplement d’éclore, avec pour ciment principal une communauté de colère.
Comparaison n’est pas raison, et nous n’irons pas jusqu’à comparer des mois de révolte ininterrompue au Yémen, des centaines de morts en Syrie et une guerre en Libye avec les quelques grappes de jeunes français réunis il y a peu sur la place de la Bastille. D’aucuns seraient résolument indignés d’un parallèle hâtif entre des peuples bravant d’implacables tyrans et d’autres, « nantis » de la rive Nord, protestant contre les plans d’austérité rendus nécessaires par la traditionnelle négligence gestionnaire des PIIGS européens.
Comparaison n’est pas raison, mais un certain déterminisme nous conduit tout de même à penser que « les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets ». Quels sont donc ces griefs communs que peuvent avoir des peuples arabes dominés d’une main de fer par des dictateurs sans concession, et cette jeunesse européenne vivant en plein cœur de la joyeuse matrice libérale-libertaire et parfois même gouvernée par d’aimables leaders socialistes ?
Il faut se souvenir que c’est d’abord une crise sociale qui mit le feu aux poudres en Tunisie : c’est le suicide du jeune Mohamed Bouazizi choisissant l’immolation après s’être vu confisqué son outil de travail, qui déclencha cette « révolution du jasmin » éminemment contagieuse. Il faut dire que dans ce pays du Maghreb, le taux de chômage global était estimé à 14% fin 2010, mais que celui des jeunes diplômés atteignait presque le double. Par ailleurs, les quelque 25 000 migrants fraîchement débarqués en Italie au grand dam de Claude Guéant et de l’agence Frontex ne sont à l’évidence pas des réfugiés politiques. Après la chute de Ben Ali, seule une solide motivation économique a pu conduire ces tunisiens à tenter l’aventure européenne.
En Europe, personne ne niera que l’épuisement des peuples a également et avant tout des causes sociales. N’en déplaise à ceux que l’amitié a aveuglés au point de leur faire apparaître Dominique Strauss-Kahn en sauveur de la Grèce, le taux de chômage est de 16% dans ce pays, et dépasse 40% chez les jeunes de moins de 25 ans. Quant à l’Espagne, elle peut afficher le triste record d’avoir vu son chômage bondir de 9% à 21% en trois ans, soit dix points de plus que la moyenne européenne. A cela, il convient d’ajouter l’érosion continue du pouvoir d’achat, et l’étrangloir que constituent ces dettes publiques de plus en plus difficilement finançables, en tout cas si l’on compte y parvenir en baissant les salaires et en conservant eu Euro structurellement surévalué, anéantissant dans une même euphorie libérale toute perspective de relance par la demande intérieure comme par les exportations.
Dans le monde arabe, l’étincelle fût économique, et l’explosion fut politique. Rien de tel à redouter chez nous, qui vivons dans de grandes démocraties tellement fières d’elles-mêmes qu’elles n’hésitent pas à s’exporter, même si elles sont également, pour certaines d’entre elles, largement surévaluées. Mais que penser de démocraties où le choix des peuples est sans cesse ignoré ? Que penser, en effet de ces gouvernants socialistes de Socrates à Papandréou en passant par Zapatero, qui mettent en œuvre des politiques économiques d’une rigueur mortifère pour complaire à cette Europe désincarnée supposée leur venir en aide ? Les électeurs socialistes d’Espagne avaient d’ailleurs senti venir le coup, eux qui criaient « ne nous trahis pas » à leur nouveau leader au soir du 14 mars 2004.
Que penser de démocraties où l’on commandite un référendum pour se donner bonne conscience et l’on en confisque le résultat dès lors qu’il ne convient pas ? Alors que nous venons de célébrer discrètement le sixième anniversaire de la consultation volée où le « non » se transforma en « oui » par la grâce du traité de Lisbonne, souvenons-nous que les néerlandais dirent également « non » au projet de traité constitutionnel européen. Souvenons-nous également qu’on fit voter le peuple irlandais quatre fois pour approuver deux traités : celui de Nice, rejeté à 54% en 2001 et approuvé en 2002, et celui de Lisbonne, rejeté en 2008, et approuvé en 2009. A croire que dès lors que des questions européennes sont en jeu, la volonté des peuples devient une variable d’ajustement.
Bien sûr, nous ne ferons pas l’affront aux méditerranéens de l’autre rive de comparer les régimes autoritaires qu’ils endurèrent ou endurent encore avec le diktat des synthèses molles imposées par des technocrates dont on se demande à la fois qui ils sont, et d’où ils tirent l’immense pouvoir qui leur échoit. Mais, si nous avons en Europe le bel avantage de la liberté, au moins les Arabes ont-ils le privilège de pouvoir mettre un visage sur ceux qu’ils veulent chasser.
Que mettront-ils à la place ? Cette question nous taraude, car il semble que les partis dits « islamistes modérés », d’Ennahda en Tunisie aux Frères musulmans en Egypte, aient le vent en poupe sur les côtes Sud de Mare Nostrum. Et cela nous rend sévères. Mais les démocraties balbutiantes doivent probablement faire quelques essais malheureux, avant d’atteindre leur régime de croisière. Ne pêchons pas par excès d’impatience.
Quant à nous, par quoi remplacerions ces sociaux-libéraux et libéraux-libertariens qui se ressemblent et qui s’assemblent dans la vénération commune d’une supranationalité qui les exonère de leurs responsabilités en faisant d’eux les exécutants honteux d’un Empire du moindre mal [1] ? Il semble que les populismes de tout poil aient le vent en poupe sur les côtes Nord de la Méditerranée. Sans doute les démocraties agonisantes sont-elles tentées de faire quelques essais malheureux lorsqu’elles ont tout essayé et que tout semble avoir échoué. Que ceux qui nous exhortent à la vigilance entament dès à présent leur examen de conscience.
Coralie Delaume
[1] Jean-Claude Michéa, L'enpire du moindre mal - Essai sur la civilisation libérale, Climats, 2007
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