Quel paradoxe a priori : après avoir traversé la plus grave crise du capitalisme depuis près d’un siècle, après les espagnols, c’est au tour des portugais de sanctionner un gouvernement « de gauche » et d’installer une droite qui promet déjà d’apaiser les marchés...
Une bataille de perdue
En fait, il semble que les portugais fassent porter la responsabilité de la crise actuelle au gouvernement socialiste, ce qui explique la large victoire de la droite dimanche. Dans les pays de la périphérie de l’Europe, qui affrontent des plans d’austérité sauvages, pas grand monde ne semble mettre en cause la responsabilité de l’euro dans les disfonctionnements de leurs économies. A chaque fois (Grèce, Irlande, Espagne, Portugal), ce sont les gouvernements sortants qui trinquent.
Il faut dire que pendant des années, l’Europe a été cette main nourricière, ce tuteur venu aider ces économies à grandir, souvent après des épisodes autoritaires. Les populations et les hommes politiques ne se posent donc pas vraiment de questions. Pour eux, l’Europe, c’est forcément positif, du bien et il est hors de question de remettre en cause quoique ce soit dans la construction européenne. Donc la colère se concentre sur les élites politiques locales.
Malheureusement, ce scénario était prévisible, comme je l’écrivais dès février 2010. En outre, cette interprétation de la crise colle bien avec la lecture néolibérale de la crise, qui ne remet nullement le système en question, mais qui rejette la responsabilité sur le mauvais comportement de quelques acteurs économiques (la Fed, quelques spéculateurs, quelques gouvernements irresponsables). Il est donc logique que la droite tire les marrons du feu.
Cela montre aussi la faillite des sociaux-démocrates européens qui ne gouvernent plus que cinq pays de l’Union Européenne (dont trois en coalition), comme le souligne Jean-Philippe Huelin sur Marianne 2. Les « socialistes » européens ne se différencient plus de la droite que par leur attitude compassionnelle, et ne remettent pas en cause la globalisation néolibérale responsable de la crise. Pas étonnant dès lors qu’en des temps si difficiles les peuples les rejettent.
La victoire à venir
Néanmoins, cette transition n’est pas inintéressante à plusieurs titres. Tout d’abord, elle démonétise l’argument de la gauche fédéraliste qui propose d’aller vers une plus grande intégration et plus de solidarité pour régler la crise de l’euro. Avec une large majorité du continent à droite, ce scénario est totalement illusoire. Bien au contraire, plus d’intégration signifierait au contraire des politiques encore plus libérales et conservatrices, d’autant plus que les traités vont tous dans ce sens.
Un fédéralisme solidaire est d’autant plus vain qu’il ne résoudrait pas les problèmes de compétitivité qui nécessitent une dévaluation ou une baisse sauvage des salaires. Mais ces alternances sont intéressantes car elles mouillent l’ensemble de la classe politique dans les mauvaises solutions qui sont mise en place. En effet, imaginons qu’une nouvelle crise arrive, les alternatifs pourront alors montrer que ni la gauche ni la droite n’ont tiré les leçons de la crise de 2008.
Et c’est pour cela que paradoxalement, une victoire des socialistes pourrait être une bonne chose en 2012 en France. En effet, la réélection de Nicolas Sarkozy permettrait au PS de se présenter comme l’alternative dont la France a besoin en 2017, alors qu’il ne s’agirait que d’une alternance superficielle sur beaucoup de questions. Il faut que les citoyens comprennent bien que le PS n’a pas de solutions à la crise. Et pour cela, leur victoire est paradoxalement souhaitable.
Les peuples européens se cherchent. Ils sont mécontents des politiques menées mais l’aura de l’idée européenne créée un brouillard qui ne leur permet pas d’identifier les raisons de la crise. Nul doute que les plans d’austérité sauvages devraient les aider à ouvrir les yeux…
Laurent Pinsolle
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