A onze mois du premier tour de l'élection présidentielle, aucun des grands partis de gauche n'a de candidat à l'élection présidentielle. C'est le miracle des primaires, qu'analyse Laurent Neumann
Avez-vous eu la curiosité de jeter un coup d'œil dans un dictionnaire pour connaître le sens exact du mot « primaire » ? Voilà un concept qui a tellement d'acceptions, de définitions différentes qu'on finit par en perdre le sens.
Dans son sens premier, « primaire » signifie primitif. A droite par exemple, Marianne et ses lecteurs en savent quelque chose -, on parle d'antisarkozysme primaire pour mieux disqualifier toute critique, fut-elle de bon sens, de la politique menée par le chef de l'Etat.
Dans l'enseignement, le primaire précède le collège. C'est l'âge des apprentissages. Aucun rapport avec le PS qui a déjà fait l'expérience des primaires en 2007 et qui n'en a visiblement tiré aucun enseignement.
En géologie, le primaire désigne l'ère située entre le précambrien et le mésozoïque, c'est-à-dire avant les dinosaures, et donc, avant… les éléphants.
En politique, enfin, « primaire » se dit d'un scrutin organisé dans un parti politique pour désigner son candidat à une élection. Aujourd'hui, on organise des primaires au PS, chez les Verts, au PC, mais pas à l'UMP, ni au FN. Ce qui, évidemment, ne signifie pas que ce qui est de gauche est primaire et que ce qui est de droite ne l'est pas !
C'est pourtant, trêve de plaisanterie, l'une des leçons de la séquence politique : à onze mois du premier tour de l'élection présidentielle, aucun des grands partis de gauche n'a de candidat à l'élection présidentielle. Prenez le PS : il y a de nombreux prétendants pour les préliminaires (François Hollande, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, depuis mardi dernier Manuel Vals, sans doute bientôt Martine Aubry), mais combien, au juste, pour le passage à l'acte ? De même, au PC, Jean-Luc Mélenchon devra d'abord se mesurer à André Chassaigne pour savoir s'il est de taille à lutter contre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. Chez les Verts, Mme Joly affrontera d'abord M.Hulot qui, lui, jure finalement qu'il ne passera pas ses vacances avec Jean-Louis Borloo.
Et dire qu'il fut un temps, pas si lointain, où certains vantaient les mérites des primaires de toute la gauche. Finalement, elles ont bien lieu, mais en ordre dispersé. Chacun chez soi. Soyons honnêtes, les primaires du Parti socialiste ont bien plus d'intérêt aujourd'hui que lorsque les sondages donnaient Dominique Strauss-Kahn vainqueur par KO, à la fois de Nicolas Sarkozy et de ses camarades socialistes. Or, c'est au moment où elles prennent tout leur sens que certains, notamment ceux de la coalition « Tous sauf Hollande », leur trouvent soudain tous les défauts du monde.
Aux États-Unis, à l'occasion des primaires démocrates, les électeurs avaient fini par choisir Barack Obama plutôt qu'Hillary Clinton, non pas sur son programme – c'était le même que celui de son adversaire – mais sur sa capacité à battre l'adversaire républicain. Est-on sûr que les sympathisants socialistes songent vraiment à désigner celui – ou celle – qui aura le plus d'atouts pour battre Nicolas Sarkozy ? Si tel n'était pas le cas, alors ces primaires risqueraient bien d'être à la gauche et à ses éléphants, ce que le précambrien et le mésozoïque sont à la géologie : primitives !
Laurent Neumann - Marianne
http://www.marianne2.fr/Primaires-a-gauche-t-rions-un-peu_a207110.html