A la fin de l'année 2008, Anne-Marie Gallot, de la Direction générale de la Santé (DGS), publie un rapport citant les mêmes accidents que le docteur Lantieri, y ajoute quelques cas d’accidents signalés à la DGS et appelle le Ministère de la santé à « encadrer les actes médicaux à visée esthétique ». Il s’ensuit une longue concertation avec les professionnels qui débouche, le 29 juillet 2009 par l’insertion d’un volet concernant la médecine esthétique au vaste dispositif législatif préparé par Roselyne Bachelot, pierre angulaire de son magistère, la loi Hôpital-patients-santé-territoire dite HPST.
La loi prône l'interdiction des pratiques médicales - à l'exclusion des actes de chirurgie - sous réserve d'un avis motivé de l'autorité concernée. Ce qui ne tarde pas : un rapport de la HAS, la Haute autorité de santé, publié en décembre 2010, dénonce des dangers graves représentés par plusieurs techniques de médecine esthétique. Il ne reste plus qu'à attendre les décrets d'application de la loi interdisant lesdites pratiques. Le premier, paru en avril 2011, interdit un certaine nombre de pratiques d'aspiration de graisse ou de «lyse adipocytaire». Deux autres décrets sont attendus concernant les deux autres gros business du secteur : la lutte contre les rides et l'éradication de la pilosité. Une fois ces trois décrets effectifs, la médecine esthétique deviendra, selon Dominique Debray et ses collègues, un secteur sinistré sans pour autant rendre les thérapies plus sécures puisque le processus législatif ayant abouti à ces décrets a ignoré purement et simplement les risques induits par les pratiques chirurgicales que les pouvoirs publics semblent aujourd'hui privilégier. De l'autre côté on rappelle que l'exercice chirurgicale est une activité très contrôlée et qu'elle ne pouvait donc donc être confondue avec les pratiques de la médecine esthétique.
Les chirurgiens plasticiens se défendent de toute forme d’intervention. Ils se sont simplement inquiétés, avec les dermatologues, en voyant de plus en plus de complications liées à la lyse adipocytaire. « L’interdiction de cette technique répond à des exigences de santé publique, c’était la même chose quand ont été interdits le Vioxx et le Mediator », explique Jean-Luc Roffé, chirurgien plasticien. « Les « médecins esthétiques » ont lancé une rumeur selon laquelle les chirurgiens plasticiens étaient derrière tout ça, ils nous ont accusé de vouloir être les seuls à traiter l’amincissement. C’est faux, ces gens-là pensent ce qu’ils veulent ! Moi ce qui me préoccupe, c’est la santé publique », lâche le médecin, estimant qu’un problème financier sous-tend toute cette histoire. « C’est leur droit de se plaindre auprès du Conseil d’Etat, mais qu’ils ne viennent pas dire que ce sont les chirurgiens qui sont intervenus. Nous n’avons fait que répondre à la HAS comme les autres corps de métiers entendus par elle », tranche Jean-Luc Roffé. Le plasticien remarque que depuis 1977, plus de 50 millions de personnes ont eu recours à une liposuccion : « si c’était dangereux, depuis le temps, on le saurait ! ». Et de conclure : « Que les médecins qui pratiquaient ces actes-là estiment qu’ils sont lésés, je le comprends. Mais qu’ils ne nous accusent pas de lobbying. »
Au ministère de la Santé, on ne s'étonne guère de ce nouvel épisode de la guerre picrocholine que se livrent les différents lobbies de la médecine esthétique. Les hauts fonctionnaires reconnaissent que le dossier est très technique et requiert l'intervention d'experts pointus. Dans l'esprit du membre du cabinet du ministre de l'époque qui a traité le dossier, il fallait règlementer pour sécuriser et donc interdire un certain nombre de pratiques sans pour autant répondre aux attentes de ceux qui veulent installer la médecine esthétique comme une nouvelle discipline universitaire, ce qui demandait une examen plus approfondi de ce dossier. Cette position à égale distance des deux lobbies principaux (les médecins généralistes et les chirurgiens) a-t-elle dérivé au point de faire la part belle aux seconds nommés ? C'est ce que confirmera ou infirmera le Conseil d'état.