Après les rétropédalages de Jean-Louis Borloo, candidat déclaré un jour, candidat putatif toujours, le centre droit a décidé de donner un énième coup d’épée dans l’eau en conviant les médias à la « première conférence de presse de l’Alliance »… Avant de prier ces derniers de repartir après seulement trois phrases prononcées par un Borloo visiblement mal à l’aise. Heureusement pour lui, le bug n'a pas été rapporté dans les gazettes.
Et maintenant, devant vos yeux éblouis… L’Alliance ! Après cinq mois d’attente insoutenable, les journalistes ont pu découvrir, hier, mardi 14 juin, la direction nationale de l’ARES (Alliance républicaine écologique et sociale) composée d’Hervé Morin, Jean-Louis Borloo, Hervé de Charette, et Jean-Marie Bockel. Priés de se présenter à 17h30 pétantes au deuxième bureau de l’Assemblée nationale, les médias n’ont pas été déçus du voyage.
17h30 : porte close. Dans le couloir étroit, une quarantaine de journalistes se pressent, impatients de pénétrer dans le saint des saints du centre droit.
17h40 : porte (toujours) close. Les journaleux sont tous en sueurs (34° dans le couloir, ça chauffe au centre)
17h50 : porte (décidément) close.
17h52 : la poignée bouge. Jean-Marie Cavada sort du deuxième bureau, se faufile entre les micros et parvient tant bien que mal à échapper aux journalistes. Après tout, l’homme n’est que porte-parole du Nouveau centre, aucune raison qu’un porte-parole ne se fende d’une quelconque déclaration à la presse. Yves Jégo, vice-président du Parti radical (PR), lui emboîte le pas.
Les médias pénètrent finalement dans une salle minuscule. Autour de la table, les présidents des quatre « partis »constituant l’Alliance (le Nouveau centre, le Parti radical, la Convention démocrate, la Gauche moderne) sont accompagnés de quelques membres de la direction collégiale et fraîchement composée du nouveau mouvement. Parmi eux, André Rossinot, président d’honneur du PR, Laurent Hénart, numéro deux du PR, Rama Yade, ou encore Valérie Létard.
Après quelques minutes de séance photo, le président du Parti radical prend la parole pour annoncer la création officielle du mouvement. Ceux qui ne sont pas devant n'ont aucune chance de l'apercevoir. Se lever pour être vu ? Trop classique. « Cette alliance a vocation, je vous le rappelle, à élargir considérablement la majorité sur son aile sociale, républicaine, européenne et écologiste », murmure Borloo.
Puis, l’ex-ministre de l’Ecologie enchaîne trois annonces de taille : la validation des candidats de l’Alliance pour les sénatoriales d’ici quinze jours, l’invitation à un « déjeuner républicain » le 26 juin, et l’organisation d’une université d’été le 10 septembre. Conclusion (au bout de quatre minutes d’allocution) : « La majorité a maintenant deux pieds. » Sur ces bonnes paroles, le patron valoisien se lève, enjambe les journalistes entassés, sourit à ceux qui le somment de rester pour répondre aux questions et disparaît. Au centre-droit, on sait recevoir.
« C’est du foutage de gueule ! », s’écrie un caméraman. Rien à faire, le candidat hypothétique s’est envolé, laissant à ses petits camarades le soin d’amuser une galerie médiatique passablement agacée. Décidément, la « détermination » de l’ex-ministre de l’Ecologie transparaît à chacune de ses sorties.
Quant à sa technique de communication, rien à redire, elle fonctionne à merveille : faute de merle Borloo, la presse se rue sur la grive Morin qui se prête bien volontiers au jeu et apparaît d'emblée beaucoup plus décidé à se lancer même sans s’être déclaré.
Borloo peut se féliciter, il vient de réussir un tour de force : ameuter la presse pour la convaincre qu’il n’est pas convaincu. Joli coup.
Laureline Dupont - Marianne