Quelques jours après une réunion enthousiasmante avec Frédéric Vialle, une partie du conseil scientifique d’attaque a publié sur Médiapart une critique de la démondialisation chère à Jacques Sapir. Mais ce dernier, comme Frédéric Lordon ont justement mis en pièce cette tribune.
Une critique simpliste et superficielle
Il est proprement hallucinant qu’un tel texte ait pu être produit par le conseil scientifique d’Attac, quand on pense à ce que peut produire l’association. Voici un papier pétrit de contradictions, de mauvaise foi, d’approximations et d’un manque de rigueur qui en fait une proie facile à ridiculiser par un Jacques Sapir qui se fait volontiers saignant et un Frédéric Lordon qui joue plutôt la carte du démontage en règle, dans une inversion de leur style respectif.
La thèse des auteurs est que les ennemis ne sont pas les travailleurs chinois mais bien les gouvernements qui ont mis en œuvre les politiques de recul de droits sociaux. Sans craindre la contradiction, ils affirment qu’il « faut évidemment réduire les flux de marchandises et de capitaux, et relocaliser les systèmes productifs », soit une démondialisation... Mais ils souhaitent aussi « plus de coopération européenne et mondiale dans bien des domaines ».
Puis, après avoir évoqué le Front National, ils disent que « la démondialisation n’apporterait rien à l’affaire » sur la réduction des inégalités, ou le chômage. Ils attaquent aussi la sortie de l’euro qui ne ferait « qu’accentuer les problèmes au lieu de les résoudre » puis s’opposent aux mesures unilatérales et soulignent que la réindustrialisation devra être plus écologique. Enfin, ils finissent par critiquer les plans d’austérité qui aggravent la crise.
Tout d’abord, il faut noter qu’ils critiquent clairement Jacques Sapir, mais sans le nommer. Ensuite, ils témoignent d’une attention limitée à ses textes, car sinon, ils sauraient qu’il n’est nullement opposé à la coopération internationale ou européenne. En outre, leur papier en reste à des incantations sans la moindre démonstration sur l’euro et le reste. Et refuser l’unilatéralisme est le plus sûr moyen de ne rien faire avec le traité de Lisbonne et les gouvernements en place…
Les réponses de Sapir et Lordon
Finalement ce torchon a malgré tout un intérêt. En effet, il a poussé Jacques Sapir et Frédéric Lordon à publier chacun un (long mais riche) papier de réponse. Directement visé, le premier démonte mot après mot, comme un professeur reprenant la copie superficielle et simpliste d’un élève qui n’a pas fait attention à ce qu’il avait écrit. Il relève toutes les contradictions, malhonnêtetés, simplifications et imprécisions de ce texte qui ne fait pas honneur à un « conseil scientifique ».
Sur l’euro, pourquoi ce large « conseil scientifique » ne produit pas une véritable contre argumentation aux papiers, argumentés eux, de Sapir ? On sent deux choses dans leur critique : un rejet viscéral (pour ne pas dire plus) de la nation et une peur maladive d’être en compagnie du Front National sur un débat, au point où il ne m’étonnerait qu’à moitié qu’ils finissent par dire qu’il n’y a pas assez de chômeurs si le FN faisait de la dénonciation du chômage de masse son axe de campagne…
Frédéric Lordon commence par dénoncer l’amalgame avec le FN en affirmant que l’on « n’abandonnera donc pas le débat de la démondialisation sous prétexte que le FN qui a senti la bonne affaire, s’y vautre avec délice ». Il souligne que l’on ne cherchait pas autant de noises à ce parti sur l’économie quand il était néolibéral et qu’il faudrait plutôt questionner Marine Le Pen que ceux dont elle s’inspire. Au final, cette attitude contribue plutôt à renforcer le FN…
Puis, il dénonce certains arguments, qui viennent en droite ligne des néolibéraux ou des socio-démocrates infirmiers de la mondialisation. Il revient sur « la question décisive de la souveraineté » et souligne à quel point néolibéralisme et mondialisation détricotant les souverainetés nationales vont de pair, soulignant l’angle mort des auteurs. Il développe longuement sa pensée sur la nation, la souveraineté et le politique et livre à nouveau une critique sévère de l’UE.
De ces échanges, une partie de la direction d’Attac ne sort pas grandie devant la légèreté de leur texte. Je vais laisser la conclusion à Jacques Sapir : « la haine de la nation, c’est l’internationalisme des imbéciles.
Laurent Pinsolle
http://gaulliste-villepiniste.hautetfort.com/