Un commentateur du blog m’a signalé une note de Jean Quatremer indiquant que Jean-Claude Trichet a affirmé que l’Union Européenne est comparable aux Etats-Unis et une autre de Patrick Artus affirmant à peu près la même chose. L’occasion de revenir sur les raisons de quitter l’euro.
L’UE n’est pas les Etats-Unis
Jeudi, aux Etats-Unis, Jean-Claude Trichet a ainsi affirmé que les économies européenne et étasunienne « sont diverses de la même façon », évoquant les différentiels de croissance, d’inflation ou même de coût du travail. Malgré tout, il a souligné qu’il n’y avait « pas un budget fédéral important qui puisse remédier aux chocs asymétriques ». Dans la même veine, Patrick Artus a sorti une note intitulée « s’il faut plusieurs euros, il faut beaucoup de dollars ».
Son analyse est assez habile. Il conclut que « malgré un budget fédéral de grande taille et une mobilité plus forte du travail, l’hétérogénéité des Etats-Unis, en ce qui concerne les mêmes facteurs que dans la zone euro, est aussi considérable ». Il y a plusieurs failles dans son raisonnement. Tout d’abord, les économistes définissent trois conditions pour établir une Zone Monétaire Optimale (ZMO) : mobilité du travail, budget fédéral et convergence économique.
De facto Patrick Artus souligné déjà que deux des trois critères sont vérifiés pour les Etats-Unis mais pas pour l’Europe, démontant malgré lui la pertinence de la zone euro. En outre, on peut fortement contester le fait que les économies européennes et étasuniennes soient similaires. Bien sûr, sur certains critères, on peut constater que les différences entre Etats européens sont similaires à celles des Etats-Unis. Mais c’est loin d’être vrai sur de très nombreux autres critères.
Tout d’abord, le niveau des salaires est beaucoup plus hétérogène puisque le salaire minimum atteint à peine plus de 200 euros en Slovaquie ou en Estonie. Les écarts de croissance sont colossaux (3% en Allemagne, -5% en Grèce). Et les structures économiques restent essentiellement nationales (chaines de distribution ou autres). En fait, l’Europe est beaucoup plus diverse que les Etats-Unis, économiquement, culturellement, historiquement ou linguistiquement.
Les cercles vicieux de la monnaie unique
Pire, la monnaie unique provoque de nombreux mécanismes pervers. Tout d’abord, dans un système où il n’est plus possible de dévaluer, il y a une forte prime pour celui qui a les salaires les plus faibles ou qui les réduit. Avant, un pays pouvait laisser ses salaires augmenter plus vite que le voisin, il pouvait retrouver sa compétitivité en dévaluant. Avoir une monnaie unique pousse de facto à une baisse des salaires, comme le sous-entendent le pacte pour l’euro ou la Commission.
Ensuite, il est impossible de mener une politique monétaire qui convienne à des pays aussi différents : qui peut croire aujourd’hui que l’Allemagne et la Grèce peuvent partager la même politique monétaire ? Nous allons forcément avoir une cote mal taillée qui conviendra mal aux deux, comme dans les années 2000, où la politique monétaire de la BCE était à la fois trop restrictive pour une Allemagne à la croissance lente et trop laxiste pour l’Espagne, provoquant la bulle immobilière.
Enfin, la monnaie est un moyen d’équilibrer les balances commerciales : un pays en déficit voit en général la valeur de sa monnaie baisser, pénalisant les importations et favorisant les exportations. A l’inverse, un pays en excédent voit la valeur de sa monnaie s’apprécier, provoquant le phénomène inverse. Aujourd’hui, certains pays de la zone devraient voir leur monnaie s’apprécier alors que d’autres ont un besoin impérieux de la voir se déprécier pour équilibrer leurs échanges.
En imposant une cote mal taillée, l’euro accentue les problèmes au lieu de les résoudre : l’euro reste trop fort pour les pays en déficit, les accroissant davantage et ne s’apprécie pas assez pour ceux en excédent, qui en accumulent toujours plus. Bref, loin de faire converger les pays, l’euro les fait diverger. En fait, il était plus facile de faire converger les pays européens avec des monnaies nationales. Et ce n’est pas un budget commun qui changera quoique ce soit à ces trois problèmes…
L’euro, cela revient à imposer aux pays européens qui y participent de tous chausser la même pointure, indépendamment des réalités. Non seulement cela va abîmer les pieds qui les portent mais cela finira in fine par détruire cette chaussure inadaptée que nous n’aurions jamais du porter.
Laurent Pinsolle
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