Le gouvernement conservateur britannique, le premier, est sur le point de remettre au goût du jour le « glass steaglle act ». Même allégé, celui-ci, prévoit de contraindre les banques à séparer leurs activités risqués de marché de leur activité de banque commerciale. Malgré les annonces, en France, rien n'est pour l'heure prévu.
« Pour mettre un terme à une situation qui fait qu’aujourd’hui des millions de gens –qui ne sont pas ici - portent maintenant les couts de la crise (…) nous avons trouvé une solution pour résoudre le problème des établissements ”too big to fail” (NDLR : trop gros pour tomber)». Lors du traditionnel diner réunissant la City et les représentants de la couronne, entre petits fours et brandy, les banquiers anglais s’étouffent en écoutant Mervin King. Le gouverneur de la banque d’Angleterre annonce les choix du gouvernement conservateur. Les banques commerciales, qui recueillent les dépôts du public, devront se défaire de leur activité de banque d’affaires, plus risquée mais ô combien plus rémunératrice.
Enfin presque. Issu des propositions de l’économiste John Vickers mandaté par le gouvernement pour « qu’on ne voit plus jamais ça », ce Glass Steaglle act à l’anglaise est une version allégée de la législation américaine née au sortir de la crise de 29. Remisée sous Clinton, avec les résultats que l’on connaît, cette loi séparait strictement activités de marché et banque commerciale, chargée de récolter l’épargne des ménages et d’émettre des crédits. Dans sa version britannique, les établissements pourront à l’avenir conserver leur banque d’affaires, à condition de l’isoler dans une filiale, à bonne distance des dépôts.
Pourtant Glass-steaglle act, nécessaire à un meilleur contrôle, est loin d’être suffisant. Qui plus est quand il est allégé.
Fin 2007, la déroute de Northern Rock, est le premier signe de la contagion de la crise financière américaine. L’absence d’activités de marché, n’a pas empêché ses dirigeants de jouer et de perdre l’argent des déposants britanniques. Ni la modeste taille de l’établissement, au regard de l’épaisseur de son bilan, de nécessiter sa nationalisation par crainte de voir sa faillite contaminer tout le royaume.
Reste que, comme le note l’économiste Frédéric Lordon, « il est paradoxal que les pas les plus importants faits en direction d’une plus grande régulation bancaire sont le fait des pays considérés comme historiquement les plus favorables au laisser faire, comme les Etats-Unis et la Grande Bretagne ». Pas de ça chez nous. La Fédération Bancaire Française l’assure dans son fascicule « Parlons clair » : « Les banques françaises sont solides : elles ont mieux résisté à la crise mondiale que les autres ». Au contraire de son homologue britannique, la Banque de France, leur gendarme, fait l’apologie du modèle français de banque universelle, alliant banque d’affaires et de dépôts. Est-ce le signe d’une plus grande capacité du monde de la finance à imposer au politique leur point du vue, comme le souligne les travaux de Romain Rancière, professeur à l’école d’Economie de Paris, qui désigne cela comme « la capture du régulateur » ?
Bref tout va bien dans un monde parfait. Comme si la France, à l’instar des autres états, n’avait pas eu à doublement intervenir. En financant par de la dette de dispendieux plans de relance pour éteindre la crise générée par la planète finance. Comme en mettant son crédit sur la table de casino pour éviter qu’elle ne se renverse et ruine tous les établissements joueurs. Elle n’a pas versé…cette fois. Et pourtant rien n’a changé ou si peu : les banques renouent avec les bénéfices d’avant la crise et le risque de crise demeure.
Emmanuel Lévy - Marianne
Dessin: Louison