Alors que Martine Aubry va enfin se déclarer, on peut souhaiter, comme Maurice Szafran, que ce moment échappe aux batailles d'ego et mobilise les réflexions.
La politique est ainsi faite, à ce point formatée qu'a été inventé le concept de « moment ». A ce «moment»-là, précis et prévu, le jeu médiatique, celui qui est censé happer l'attention d'un maximum de Français, doit à tout prix se concentrer sur un personnage et une histoire uniques. Cette semaine, après qu'une longue période de mai fut avant tout consacrée à la percée de François Hollande, place doit être faite à Martine Aubry. L'épisode, convenons-en, ne manque pas d'importance. Quoi que...
La gauche façon Aubry est-elle substantiellement différente de la social-démocratie à la manière Hollande? Sans doute pas.
La conception présidentielle du maire de Lille est-elle en rupture avec le chef d'Etat modeste qu'entend être le président du conseil général de Corrèze? Sans doute pas davantage.
Issus l'un et l'autre de la matrice politique et idéologique conçue par Jacques Delors, Aubry et Hollande entendent-ils par exemple briser l'arrogance des banquiers et des traders? Ils le disent et, très certainement, s'en abstiendront.
Donc une bataille de personnes, quasi exclusivement un affrontement personnel. Et à chacun selon ses goûts parmi les électeurs socialistes...
Voilà donc la fonction essentielle de cette semaine, de ce moment Aubry : l'installer en position de force dans cette bataille des primaires relevant avant tout de la psychologie et du paraître. Martine Aubry, après François Hollande, va donc s'efforcer de nous narrer son histoire. Les pubards ont baptise cela le « story telling ».
A-t-on le droit de préciser que, précisément nous ne supportons plus la démarche du « story telling », même si nous savons que la psychologisation de la politique n'est pas à bannir par principe ou sectarisme. Mais aujourd’hui, à l'heure qu'il est, après quatre années de sarkozysme, nous aurions envie de rappeler Aubry, Hollande et tous les autres (candidats socialistes, centristes, Verts, opposants de droite au président sortant), à leur devoir citoyen : s'interdire pour de bon les batailles d'ego et de personnes pour se concentrer sur la mobilisation de Français, sur des propositions politiques, fiscales, et sociales.
Si le moment Aubry pouvait déjà servir à cela, à une mobilisation des réflexions, ce serait une excellente chose.
Maurice Szafran - Marianne
Photo : http://www.lexpress.fr/actualite/politique/martine-aubry-sarkozy-organise-la-france-comme-un-marche_554443.html
http://www.marianne2.fr/Le-moment-Aubry-ras-le-bol-du-story-telling-_a207913.html