C’est le couplet généralement entonné par les identitaires : la France serait menacée par un flux totalement incontrôlé d’immigrés, faisant de notre pays le « champion d’Europe de l’immigration » pour reprendre les propos de Marine Le Pen. Un discours qui ne résiste pas aux faits.
La France, pays de faible immigration
C’est l’immense surprise que provoque l’examen des chiffres de l’immigration dans les autres pays. En effet, même si l’on conteste les chiffres de l’INSEE, pour qui le solde net d’immigrés se situe à 70 mille personnes par an (190 mille entrées et 120 mille départs) et que l’on prend le chiffre de départ avancé par Michèle Tribalat et Jean-Paul Gourévitch (90 mille), on aboutit à un solde net de 100 mille entrées par an. Le solde se situe donc entre 1 et 1,5 pour mille habitants.
Mais comme le rapporte The Economist, le solde net en Italie est compris depuis dix ans entre 300 et 600 mille, soit entre 5 et 10 pour mille habitants, cinq à dix fois le flux de notre pays ! En Espagne, le nombre d’immigrés a progressé de plus de 600 mille certaines années, soit un taux de 13 à 14 pour mille habitants, dix fois le taux français. La Grande-Bretagne accueille 500 000 immigrés par an, pour un solde net de 200 mille, soit plus de 3 pour mille habitants, plus du double de notre pays.
Et si on va un peu plus loin, on constate que d’autres pays acceptent des flux incomparablement plus importants que nous. L’Australie, pays de 22 millions d’habitants, avait un solde net de 340 mille personnes (plus de 15 pour mille habitants, plus de dix fois le chiffre Français). Depuis, ce chiffre est tombé à 200 mille, soit 9 pour mille (6 à 9 fois notre score). Enfin, les Etats-Unis ont un solde migratoire net moyen d’environ 4 pour mille habitants (soit 3 à 4 fois plus que nous).
Démythifier le débat sur l’immigration
En clair, Marine Le Pen ment quand elle dit que la France est « championne d’Europe de l’immigration » et Claude Guéant est bien mal inspiré quand il parle « d’excès d’immigration ». La France a aujourd’hui une des politiques les plus restrictives des pays dits développés en la matière. Il faut noter que l’Allemagne, après des vagues très importants d’immigration, notamment dans les années 90, a nettement réduit ses flux migratoires, qui sont aujourd’hui équivalents aux nôtres.
Bref, il n’y a strictement aucun risque que l’identité de notre pays change étant donnée la modération des flux actuels. Et cela est d’autant plus vrai que notre démographie est très dynamique, contrairement à nos voisins. En effet, en Italie, le solde naturel est négatif de 75 mille personnes, l’immigration permettant à la population de ne pas baisser. Et l’Allemagne voit sa population baisser depuis 2002, du fait d’un solde naturel négatif (près de 200 mille personnes en 2009).
Du coup, l’attitude du Front National et d’une partie de l’UMP est extrêmement choquante car ils attisent des tensions qui n’ont pas lieu d’être. En cela, leur comportement est profondément antinational. Cela ne signifie pas non plus qu’il faille ouvrir davantage nos frontières aujourd’hui. Les tensions au sein de notre société et les conditions économiques extrêmement difficiles plaident au contraire pour une restriction des flux migratoires pour favoriser l’intégration des immigrés déjà présents.
Oui, la situation sur le front de l’intégration se détériore. Mais loin de venir de flux migratoires incontrôlés, il s’agit beaucoup plus d’une conséquence de notre crise économique, qui rend plus difficile l’intégration, des tensions de notre société ainsi que d’un Etat qui n’assume plus ses fonctions.
Laurent Pinsolle
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