Yann avait bien senti les choses en publiant samedi une note sur la crise financière qui couvait et qui a explosé hier, provoquant une forte baisse des marchés financiers. Simple coup de chaud ou prélude à une explosion financière qui fera passer Lehmann Brothers pour une aimable plaisanterie ?
Un coup de chaleur vraiment grave
Il y a deux ans et demi, j’avais pronostiqué une nouvelle crise financière mondiale dont le déclenchement serait le défaut de l’Italie. En revanche, je me suis sans doute trompé sur la date puisque je situais cette crise à l’automne 2016. Il semblerait que les prédictions les plus noires de Jacques Sapir et Emmanuel Todd (pour qui l’euro ne passera pas l’année) pourraient bien se réaliser si la panique (extrêmement rare en plein été) continue sur les marchés.
En effet, comme l’avait bien vu Yann, ce sont les taux espagnols et italiens qu’il faut surveiller. Jusqu’à présent, même s’ils avaient monté l’automne dernier, ils étaient restés à un niveau inférieur à celui de l’automne 2008, l’Italie restant sous les 5% et l’Espagne oscillant entre 5 et 5,5%. Mais hier, les marchés ont sérieusement dérapé, poussant les taux espagnols brièvement au-delà de 6% et les taux italiens à près de 5,7%. Nous rentrons dans des zones très dangereuses.
L’Europe paralysée
Si la situation de l’Espagne est gérable (plus petite économie, 68% du PIB en dette fin 2011), celle de l’Italie est explosive, avec une dette de 120% du PIB, plus de 1800 milliards d’euros ! Un point de taux d’intérêt supplémentaire, c’est 18 milliards d’intérêts de plus… Les marchés ne font que réagir à la lenteur et aux contradictions permanentes des dirigeants européens pour traiter le cas de la Grèce, ce qui n’est guère encourageant pour des problèmes plus importants
En effet, une énième réunion hier n’a pas réussi à aboutir sur un accord pour un second plan d’aide pour les créanciers de la Grèce. Les agences de notation persistent à juger les plans proposés comme des défauts partiels, ce qui imposerait à la BCE de ne plus prendre les titres grecs comme collatéral, ne permettant plus le financement des banques grecques. Bref, le temps passe et démontre qu’une structure comme l’UE est tout simplement ingouvernable.
Il est clair que si les taux continuent à monter et dépassent 7%, alors la situation deviendra intenable. Il sera impossible de proposer à l’Italie la même chose qu’à la Grèce étant donné le montant colossal de la dette italienne. A ce titre, il est proprement incroyable de voir les autorités européennes réclamer un fonds de soutien de 1500 milliards pour sauver leur joujou. Il s’agit tout de même d’argent public. Et un peu plus de modération dans son utilisation serait la bienvenue…
Les forces de rappel existent
Malgré tout, même si les marchés peuvent avoir de vraies tendances autodestructrices, il est tellement évident que si les taux italiens dérapent, la situation devient totalement incontrôlable qu’on ne peut exclure que la peur du vide calme les spéculateurs. En faisant montant les taux italiens (et dans une moindre mesure, espagnols), le système financier se suiciderait littéralement. On ne peut pas exclure que les patrons des banques et des fonds mettent le holà à cette roulette russe.
Par-delà la peur d’un vide immense, la BCE peut également intervenir sur les marchés pour réduire la pression sur les taux italiens et espagnols, même si elle y rechigne. Mais son existence est en jeu, ce qui pourrait la motiver. Enfin, la Chine pourrait également agir à loisir sur les marchés pour éviter une explosion financière dont même elle pourrait ne pas sortir indemne. Bref, aussi violent et dangereux soit-il, ce coup de chaleur pourrait n’être qu’épisodique.
Tout est réuni aujourd’hui pour une crise financière d’une ampleur potentiellement supérieure à celle de l’automne 2008 : le défaut d’un Etat suivi d’un effondrement complet du système financier. La question n’est pas de savoir si cela arrivera, mais quand. Et cela pourrait venir plus tôt que je ne le pensais…
Laurent Pinsolle
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