Selon Philippe Bilger, l'état d'esprit de l'équipe de France de foot, qui tranche avec le cinéma et les caprices des professionnels masculins, milite en faveur des femmes dont le rapport au sport est singulier.
J' aime ces femmes
L'affaire DSK a suscité un débat intense et contrasté sur la condition des femmes. Le féminisme militant s'en est donné à cœur joie et, en face, toutes sortes de réactions se sont manifestées qui allaient de la virilité la plus bête à la compréhension la plus fine.
Je ne suis pas sûr toutefois que l'effervescence politique et médiatique de ces dernières semaines ait fait avancer d'un pouce la cause des femmes dans ce que celle-ci mérite d'adhésion évidente et d'équité légitime.
J'ai scrupule à le dire mais la coupe du monde du football féminin a sans doute plus fait, pour ce combat nécessaire, que les mille colloques, réflexions, polémiques, banalités et ratiocinations qui nous inondent chaque jour sur ce thème et sont parfois de nature à nous détourner par saturation de ce dont on voudrait nous faire prendre conscience sans répit.
L'équipe de France féminine a été formidable. Au-delà de la découverte que le football féminin, comme le tennis d'ailleurs, offre un spectacle à la fois impressionnant et agréable comme si moins de force et de vigueur apparentes entraînaient plus de qualité et d'élégance dans le jeu, on a perçu à quel point le comportement de ces sportives de haut niveau nous changeait d'une manière radicale de celui des joueurs masculins (JDD).
Très peu de brutalités inutiles et donc de coups francs. Aucune contestation de l'arbitrage pourtant discutable, notamment lors du match de la France contre la Suède. Très peu de palabres sur le terrain. Une énergie de tous les instants. Aucune comédie, aucune de ces scènes grotesques où de grands gaillards même pas touchés se roulent par terre en feignant une douleur extrême. Une concentration sur l'essentiel. Aucune attitude arrogante ou de prestance ridicule. La mise en pièces radicale, à chaque seconde, du cliché qui vise à ranger ces femmes dans la catégorie des hommes comme si, physiquement gracieuses ou non, elles avaient perdu, en jouant au football, toute féminité. Reproche bêtement « machiste », à les voir évoluer, qu'il s'agisse des Françaises ou par exemple des Américaines.
Il y a un rapport au sport collectif qui est donc spécifiquement féminin. Les joueuses accomplissent les mêmes gestes que les hommes, s'adonnent au même jeu mais elles le font autrement. Il me semble qu'il est possible de généraliser et que par exemple, dans le domaine politique, certaines femmes ont su répudier les défauts virils pour s'attacher à une conception du pouvoir et de l'action singulière et, je l'espère, porteuse d'avenir.
J'aime ces onze femmes françaises et leur entraîneur qui, homme, a su si parfaitement appréhender ce que leur sexe apportait de nouveau et de salutaire dans un jeu vieux comme le monde.
Le féminisme, grâce au ballon rond, a fait un pas de géant.
Philippe Bilger
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