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Quinzaine anti-sexiste et vertus de l'exemplarité
09/06/2011 13:17
La Une de certains quotidiens et magazines, ces derniers jours, avait quelque chose de consternant. Comme ces innombrables débats pour savoir ce qu’allait changer l’« affaire DSK ». On vit fleurir les poncifs sur la « parole qui se libère », et la « peur » de tous ces mâles qui avait trop longtemps cru en une divine impunité.
C’est que les médias, dans notre belle société du spectacle, fonctionnent par séquence. La première, depuis le désormais célèbre 14 mai, fut celle de la sidération et des interventions délirantes. Entre les théories complotistes et les atténuations douteuses, la barrière du ridicule fut allègrement franchie. Mais cette première séquence enclencha la deuxième, censée apporter la rédemption : la séquence du renouveau féministe et de la mise au ban des immondes machos qui, jusque là, opprimaient la moitié de la France. De ce point de vue, la lecture du Nouvel Observateur, et de son dossier spécial « la France est un pays abominable » avait quelque chose d’édifiant.
Entendons-nous bien. : l’auteur de ces lignes fut la première effarée par les déclarations des amis du grand homme, et de tous ceux qui n’y voyaient que les excès d’un « séducteur » un peu imprudent. Rappelons à ces sympathiques commentateurs que séduire, du latin « se ducere » attirer à soi, implique que l’on s’intéresse un minimum à l’autre, puisque le jeu consiste à susciter son intérêt par la puissance du verbe ou des regards, par l’interaction des attitudes. Bref, un jeu qui se joue à deux et n’a strictement rien à voir avec les propositions plus ou moins pressantes de celui pour qui toute porteuse de deux chromosomes X en vaut une autre, du moment qu’il s’agit d’assouvir une pulsion.
La confusion volontairement entretenue par les premiers commentateurs de l’affaire n’avait pour but que de dédouaner l’ami de trente ans, mais plus encore de faire oublier que tous avaient fermé les yeux sur ses travers les plus gênants pour sauver son image de messie de la gauche en particulier et de la France en général. Car les diverses remarques émanant de ses amis politiques, mais aussi de nombreux éditorialistes, n’avaient sans doute pas le caractère atrocement sexiste qu’ont voulu y voir les associations féministes revigorées ; ou du moins, cela ne constituait qu’un dommage collatéral. Il s’agissait avant tout d’un réflexe de caste, d’une réaction de déni face à l’effondrement du scenario qui les faisait tous rêver : l’élection sans combat du « plus brillant » d’entre nous. Et la consternation qui se lisait sur les visages ce lundi 16 mai au matin racontait l’histoire de cette année à venir, telle qu’elle avait d’ores et déjà été écrite par la coalition bancale des admirateurs de l’homme « à la stature internationale » et des adeptes du « tout sauf Sarkozy ».
On eut également droit à la variante « défense de la vie privée contre cette abominable entreprise de transparence totalitaire », de la part de gens qui, bien souvent, avaient trouvé la transparence tellement moderne et démocratique quand il s’était agi de dévoiler sur un site internet les secrets des Etats et de leur diplomatie. Et rassurons ces adeptes du journalisme d’investigation à géométrie variable : il n'était nullement question d’étaler la vie privée de qui que ce soit (encore que ce qui tombe sous le coup de la loi ne relève justement pas de la vie privée) mais de montrer un tout petit peu plus de circonspection devant le supposé homme providentiel.
Qui aura lu dans Marianne le récit par Denis Jeambar d’une rencontre entre la direction de ce journal et ledit grand homme (récit publié après la mort médiatique de DSK, bien sûr) comprendra que le respect de l’exercice démocratique (vis-à-vis des médias ou de ses adversaires aux primaires socialistes) n’était pas sa préoccupation première. Alors, pourquoi tant d’indulgence ? Il y avait là matière à passionnante réflexion.
Mais toute analyse du système politico-médiatique français, ou même des rapports de pouvoir sous-jacent, fut éclipsée par la formidable entreprise de remise à flot du féminisme mal en point. Et face à ceux qui tentaient pathétiquement de faire passer pour de la « séduction » ce qui relève évidemment du harcèlement, tout ce que la France compte d’associations et de consciences féministes se mit à dénoncer un harcèlement généralisé contre les femmes. Et de crier haro sur le mâle français, ce résidu archaïque du patriarcat triomphant. On vit même certaines se réjouir de la « peur » qui allait désormais étouffer toute velléité de manifestation virile.
Autant le dire tout de suite, si l’avenir que nous prépare l’affaire DSK est un monde où les hommes n’osent plus dire à une femme qu’elle est charmante, ou tenter un badinage complice, on va s’ennuyer ferme. Or, c’est exactement l’objet du dossier du Nouvel Observateur, qui dresse liste et typologie des coupables (le macho-beauf, le macho-réac…), photos à l’appui, en convoquant au tribunal les Liaisons dangereuses (dont le propos – mais qui le sait encore – était authentiquement féministe) ou la galanterie à la française.
Hélas, au Nouvel Observateur comme dans les associations féministes, on ne lit pas les ouvrages de Mona Ozouf ou de Claude Habib, et l’on ne comprend pas grand chose à la « galanterie », cette invention largement française, qui reposait sur l’intelligence et le beau langage, et constitue la forme la plus aboutie d’un rapport harmonieux entre les sexes. On préfère s’insurger contre les remarques pathétiques de quelques vieux kroumirs du monde politique, plutôt que de s’intéresser aux moyens politiques et économiques d’en finir avec les inégalités hommes-femmes, du développement de modes de garde abordables à la limitation du cumul des mandats. Et ne parlons pas des moyens culturels, comme une véritable réflexion sur l’éducation des filles et le rôle de la télévision, en une époque où Kate Moss et Britney Spears leur sont proposées en modèles.
Un jeune confrère me faisait part hier de son effarement devant les réactions de certaines femmes après ce grand lavage du linge machiste. Il se demandait même quand un intellectuel ou un philosophe lancerait une pétition de soutien à ces 90% de mâles français qui ne sont ni des harceleurs, ni des violeurs, qui font les courses et s’occupent de leurs enfants, et aiment de temps en temps faire un compliment respectueux à une jolie femme. Que les hommes se rassurent, il est également beaucoup de femmes qui apprécient les hommages, et qui seraient fort marries de n’être pas plus regardées qu’une table ou une chaise.
Mais les uns et les autres gagneraient à ce que l’analyse de cette curieuse séquence médiatique mette en lumière les errements d’un système un peu trop enclin à se protéger. Il ne s’agit nullement, comme on l’entend depuis la tonitruante déclaration de Luc Ferry (qui ne faisait que dédouaner la presse en expliquant que, sans preuve, on ne peut accuser personne, et qui, pour cela, s’est fait clouer au pilori par cette même presse), de laisser libre cours à nos bas instincts voyeuristes, mais de nous souvenir que l’exemplarité des puissants est nécessaire à un régime républicain. L’exigence d’un minimum de vertu, n’en déplaise aux adeptes de l’entre soi, ne nous fait pas sombrer dans une nouvelle Inquisition, mais rappelle à ceux qui gouvernent que leur vocation est de servir, et non de se servir.
Natacha Polony
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Demain Christine Lagarde sera peut-être à Bilderberg ? Parce qu’elle le vaut bien...
09/06/2011 13:06
J’aimerais vous reparler cette semaine du Bilderberg, cette conférence qui réunit chaque année dans un lieu tenu secret - et à chaque fois différent - l’élite transatlantique des affaires, de la Politique et des media. Je vous en parle parce que la prochaine édition devrait avoir lieu de jeudi à samedi au Grand Hotel Kempiski de Saint Moritz en Suisse. Devrait car l’information n’est pas publique, le Bilderberg entretenant depuis son origine en 1954 le plus grand secret sur ce qui se dit, se passe ou se décide durant ces 3 jours de discussion à huis clos.
PDG, ministres en fonction, têtes couronnées, banquiers centraux, patrons de presse et militaires débattent dans un palace interdit au public et verrouillé par un service d’ordre impressionnant. Terrorisme, monnaie, climat, épidémie, conflits, tout y passe. Pourtant rien ne filtre. Malgré l’importance des personnalités impliquées (de Rockefeller à Angela Merckel, de Llyod Blankfein, le patron de Goldman Sachs à Tim Geithner, de Jean-Claude Trichet à Tony Blair qui y ont toutes participé, à des années souvent différentes*) malgré l’importance des personnalités donc et des sujets débattus, à ce jour, aucun des invités – même journaliste - n’a raconté son expérience ni permis d’évaluer l’influence réelle de ce groupe.
La blogosphère fourmille de rumeurs sur le sujet : création de l’Euro, ascension au pouvoir de Bill Clinton ou de Tony Blair, le Bilderberg tirerait les ficelles d’un jeu politique qui ne serait plus que mascarade. J’utilise le conditionnel à dessin Marc car le Bilderberg n’a pas fait l’objet d’enquête digne de ce nom dans la presse traditionnelle. Mais pourquoi ce black out médiatique au juste ? S’agit-il de collusion, de censure ? Le Bilderberg est-il un non sujet ou alors avons-nous peur ? Parler du Bilderberg c’est un peu comme jouer avec des allumettes.
Pour comprendre un peu mieux, je me suis rendue l’an dernier à Sitges près de Barcelone, là où se tenait l’édition 2010 du Bilderberg. Et je n’ai rien vu d’autre qu’un hôtel bunker, protégé des regards et des quelques manifestants par un golf, des hélicoptères et des agents déguisés en altermondialistes. Je suis repartie bredouille, frustrée de n’avoir rien vu et peut être encore plus de n’avoir trouvé qu’une poignée de personnes devant les barricades de la police espagnole. Un peu bêtement, la faiblesse de l’opposition m’avait alors presque convaincue qu’effectivement, il n’y avait peut être rien à voir.
Il y a quelques jours j’ai rencontré dans son bureau, à Bruxelles, le Président du Bilderberg. La facilité à décrocher l’interview m’a paru suspecte et de fait, Etienne Davignon, vieux briscard de la politique et des affaires belges, ne m’a rien dit. Pour mémoire, Etienne Davignon, pardon le Vicomte Etienne Davignon a été très impliqué dans la construction de l’Union Européenne mais aussi la politique économique et les affaires étrangères de son pays, la Belgique. Passé à l’entreprise (il a été fondateur de Brussels Airlines, Président de la société générale de Belgique, puis de Suez Tractebel), c’est un as de l’influence, notamment au sein de la Table ronde des industriels européens, l’un des lobbies les plus influents sur l’Europe. Et d’ailleurs, j’ai eu en face de moi un homme gonflé de sa puissance. Une heure durant, il m’a servi la soupe d’une organisation boyscout, oeuvrant pour, je cite « la paix, la justice dans le monde, la meilleure entente entre les peuples ». J’ai ressenti toute cette culture du « too big to fail », du « trop gros pour sombrer », à l’œuvre chez une bonne partie de ce qu’il est encore convenu mais franchement, je ne sais plus pourquoi, l’élite.
J’étais rentrée de Sitges déçue de n’avoir rien vu. Je suis rentrée de Bruxelles furieuse de n’avoir rien entendu. L’édition 2011 du Bilderberg démarre donc ce jeudi. Au programme sans aucun doute, la Grèce, de l’Euro, de la Libye à « sauver », le cours des matières premières et de l’Internet à contrôler, et le FMI. D’après Etienne Davignon lui-même, Christine Lagarde, en campagne pour sa nomination, ferait un saut à Saint Moritz. Pour prendre le thé probablement.
Flore Vasseur
Liens :
- Les thèmes et les participants de l’édition 2011 seront annoncés via le site officiel du Bilderberg (sur lequel figurent également les thèmes et participants des trois éditions précédentes).
- Retour sur l'édition 2010 : Bilan de ma "visite" à Bilderberg...
- Chronique audio sur France Culture
- Blog de Flore Vasseur
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Ségolène Royal et le défi du neuf
09/06/2011 13:00
Les participants importants de la campagne 2007 sont tous confrontés actuellement à un défi commun : comment faire neuf en 2012 ? De façon surprenante, ils peinent actuellement à trouver de nouveaux ressorts. C'est le cas pour Ségolène Royal mais pas exclusivement.
L'année 2012 sera d'autant plus intéressante que deux élections présidentielles vont intervenir à six mois de distance, en France puis aux Etats-Unis.
Dans les deux cas, les sortants seront candidats. A ce jour, tout différencie la stratégie de Nicolas Sarkozy face à celle de Barack Obama pour préparer 2012.
Nicolas Sarkozy semble vouloir revenir sur les bases de 2007 : sécurité, énergie, choc frontal avec la gauche.
Cette logique de "droite décomplexée" qui avait remarquablement réussi en 2007 peut-elle fonctionner de nouveau pour 2012 ? Il y a matière à en douter non seulement par l'impact d'un bilan mais surtout par l'impact de la crise économique de fin 2008.
La France de 2011 ressemble peu à celle de 2006 notamment dans son rapport à la réforme. L'actuel débat sur "l'assistanat" en est une illustration. En 2006, la mode était "à la France qui se lève tôt et au travailler plus pour gagner plus". En 2011, le climat est au "travail sécurisé" avant même de penser à "gagner plus". C'est de protection et de justice (donc d'une forme d'égalité) face à la crise dont l'opinion a besoin. "La chasse aux assistés" inquiète maintenant parce que qui peut désormais dire qu'il n'aura pas besoin demain d'un filet de protection ?
De même sur le calendrier d'engagement de la campagne, Nicolas Sarkozy fait campagne au pouvoir, dans l'exercice même du pouvoir. En 2006, il était le "rebelle de l'intérieur" face au pouvoir présenté comme "endormi". Le bilan était alors pour partie le sien mais l'opinion pensait que demain serait différent une fois que NS détiendrait entièrement le pouvoir. Là, il est détenteur de tout le pouvoir. Comment laisser penser que demain puisse alors être si différent d'hier ?
Du côté d'Obama, les choses sont très différentes : 1) il a déjà installé officiellement son équipe de campagne distincte de celle de la Maison Blanche pour un vote qui intervient pourtant six mois plus tard qu'en France, 2) tout est préparé, construit, assumé autour d'un thème explicite : 2012 ne sera pas 2008 ! 3) sur le plan de la logistique, de nombreuses approches changent dans sa préparation : - en 2008, c'était Internet pour accélérer le message entre un émetteur et un très grand nombre de récepteurs. En 2012, c'est Internet pour une foultitude de campagnes quasi-individuelles partagées dans une logique de one-to-one, - c'est un recours permanent à Twitter pour faire partager l'info en live et non plus pour signaler un contenu sur un site, - c'est le recours à de nouvelles techniques pour accélérer la géo-localisation, - ... Sans le moindre parti pris partisan, le constat technique dégage deux approches très différentes pour une même question : comment garder un temps d'avance pour deux campagnes qui avaient été remarquablement réussies lors de la première conquête du pouvoir ? Cette différenciation est-elle provisoire ou demeurera-t-elle ?
Cette même course au neuf est le point de passage pour d'autres prétendants.
Ségolène Royal semble toujours scotchée à la démocratie participative mais pour quel contenu en 2011 ?
François Bayrou est pour le moment réfugié dans le silence. Mais que fera-t-il de différent quand il quittera cette posture ?
C'est surprenant de constater que la course à l'avance et au changement qui avait été le socle des révélations 2007 n'a pas de comparable à ce jour. Pendant longtemps encore ?
http://exprimeo.fr/article/6898/segolene-royal-et-le-defi-du-neuf.htm
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Terra Nova, le Temple solaire de la gauche ?
09/06/2011 12:57
Pour Terra Nova, think tank proche du Parti socialiste, la victoire de la gauche en 2012 dépendra de sa capacité à séduire un électorat qui sera susceptible de voter en sa faveur sans pour autant adhérer à ses valeurs. André Grjebine, directeur de recherche à Sciences Po, considère que cette stratégie clientéliste est risquée.
Les politiques d’austérité infligées à un nombre croissant de pays européens créent un climat propice à la montée de mouvements populistes. L’opinion qu’aucune politique ne parviendra à juguler la crise économique et ses conséquences politiques se répand. Dans ce contexte, des voix se font entendre, proposant des stratégies populistes ou clientélistes. A droite, mais également sur bien des points à l’extrême-gauche, c’est la surenchère populiste par rapport au Front national qui tend à prévaloir et conforte ainsi ses positions. A gauche, certains en viennent à prôner une stratégie clientéliste. Il ne s’agit plus de convaincre un maximum d’électeurs de la validité du projet proposé, mais d’esquisser les contours d’une nouvelle coalition électorale susceptible d’apporter ses suffrages à la gauche et d’adapter son discours en conséquence. Les deux stratégies risquent de se révéler contre-productives dans la mesure où elles renforcent le sentiment que seul le Front national est à même d’affronter les problèmes de l’heure.
Le rapport rédigé sous la direction d’Olivier Ferrand et Bruno Jeanbart, récemment rendu public par Terra Nova, think tank proche du PS, « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? », illustre très clairement la stratégie clientéliste. Il a le mérite de proposer un constat inquiétant de l’état de la gauche. Reste à savoir quel serait l’avenir de la gauche si elle devait s’inspirait de la stratégie que les auteurs en déduisent.
Le rapport part de l’observation que la coalition électorale qui supportait historiquement la gauche est en déclin. La population ouvrière, qui en constituait l’ossature, diminue depuis les années 1970. Mais surtout, la montée du chômage, la précarisation, la perte d’une identité collective susciteraient dans les classes populaires des « réactions de repli sur soi : contre les immigrés, contre les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine. » (p.8) Ce qui expliquerait que les ouvriers, mais également les employés, soient moins enclins à voter pour la gauche et davantage séduits par le Front national. Dès lors, « la volonté pour la gauche de mettre en œuvre une stratégie de classe autour de la classe ouvrière, et plus globalement des classes populaires, nécessiterait de renoncer à ses valeurs culturelles, c’est-à-dire de rompre avec la social-démocratie. » (p.13). D’où la proposition d’asseoir la stratégie électorale sur une nouvelle coalition : « la France de demain », formée par les jeunes, les minorités, les femmes, les diplômés solidaires des exclus par conviction. Selon Terra Nova, cette France en construction a toutes les qualités : « elle veut le changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. » (p.54) ! Ce qui tranche agréablement avec les ouvriers, décrits par le rapport, qui, désormais, « se positionnent en priorité en fonction de leurs valeurs culturelles – et ces valeurs sont profondément ancrées à droite » (p.26).
Légitimement enthousiasmé par des perspectives aussi prometteuses, le lecteur imagine déjà le rassemblement qui pourrait en sortir. Le problème, c’est que l’« électorat disponible », c’est-à-dire l’électorat qui pourrait potentiellement voter pour la gauche mais n’est pas sûr de le faire, est à la fois composite et fortement enclin à l’abstention. Toute la question est donc de le séduire et de le fidéliser. Les auteurs affirment opter pour une stratégie centrée sur les valeurs. Mais, un électorat composite appelle la mise en avant de valeurs composites, sinon contradictoires. D’où l’énumération de valeurs dans lesquelles chacun choisira celles qui lui conviennent : « la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis » (p.7). La référence à l’islam paraît à cet égard particulièrement problématique. Compte tenu de la laïcité traditionnellement revendiquée par la gauche, n’est-il pas étrange de considérer une attitude favorable à une religion comme une incarnation des valeurs de gauche ? Les auteurs notent eux-mêmes que « la religion reste, aujourd’hui comme par le passé, un marqueur invariant de positionnement politique » à droite (p.41). Le fait même de classer parmi les valeurs de la gauche « une attitude favorable à l’islam », sans demander à ceux qui s’en réclament la même tolérance à l’égard par exemple des incroyants, des homosexuels ou de ceux qui se sont détachés de l’islam ou entendent le faire suggère que les valeurs mentionnées par Terra Nova sont loin d’être partagées dans leur ensemble par ceux qui sont censés constituer l’électorat de la gauche. Plus précisément, l’ouverture à l’égard de l’islam mesure la tolérance des fidèles d’autres religions ou des incroyants, sans qu’on attende apparemment des musulmans qu’ils fassent preuve d’un quelconque attachement aux valeurs déclarées comme étant de gauche.
En réalité, pour les auteurs, ce qui définit, semble-t-il, l’appartenance à la gauche, c’est moins l’adhésion à ses valeurs que la probabilité d’un vote en sa faveur indépendamment des valeurs. Qu’importe les préférences des musulmans. Ils votent en grande majorité pour la gauche et cela suffit. Comme l’observe Claude Dargent, leur vote de gauche « n’est pas la conséquence d’un libéralisme sur les questions de mœurs et de société puisqu’ils témoignent au contraire de positions très rigides sur ce sujet.* » Ce n’est donc pas au niveau des valeurs que la rencontre entre les personnes de culture musulmane et la gauche peut se faire principalement. Les uns attendent que la gauche mette en pratique son souci d’ouverture pour réserver un accueil plus favorable aux immigrés et à leurs descendants, quels que soient par ailleurs leurs options et éventuellement leurs comportements. La gauche escompte « en échange », sans que le terme soit jamais prononcé, un vote en sa faveur. A la limite, on peut même envisager que cet échange de bons procédés se perpétue, la gauche se montrant d’autant plus favorable à la poursuite de l’immigration qu’elle verra en elle la promesse de nouveaux électeurs. Dans cette stratégie, l’afflux permanent de nouveaux immigrants originaires de pays musulmans paraît d’autant plus nécessaire qu’on peut espérer qu’au fur et à mesure de leur distanciation avec l’acte d’immigration, les orientations des descendants d’immigrés tendront à se normaliser et à se répartir dans l’ensemble de l’échiquier politique français.
Cette stratégie paraît à la fois problématique et à courte vue. Elle risque de se révéler doublement suicidaire. Tout d’abord, elle pousse les ouvriers et les employés dans les bras du Front national. Ceux-ci représentent près de la moitié de la population, et bien davantage si l’on tient compte des retraités plus nombreux dans ces catégories sociales. Les partis traditionnels, de droite ou de gauche, se sont avérés incapables de faire face à la montée des insécurités sociale, immobilière, culturelle que les couches populaires – c’est-à-dire principalement les ouvriers et les employés - ressentent. Or, non seulement la gauche prend de moins en moins en charge leurs revendications, mais, en outre, elle stigmatise leurs « réactions de repli » comme le fait le rapport analysé. Quoi d'étonnant si Marine Le Pen ne cesse de gagner des voix dans cet électorat, en prenant la défense de ces catégories sociales, même si les remèdes qu'elle propose sont en général populistes et inapplicables ? Selon un sondage Ifop-France-Soir du 17/2/2011, 37 % des ouvriers et 32 % des employés avaient l’intention de voter pour Marine Le Pen en cas de candidature de Martine Aubry, qui n’obtiendrait respectivement que 17 % et 20 % de leurs voix.
(André Grjebine)
En même temps, cette stratégie incite des électeurs qui ne partagent pas toujours les valeurs de la gauche à voter pour elle. Elle accepte ainsi d’être l’instrument permettant à des revendications communautaristes, contraires aux valeurs qu’elle affiche, de progresser dans la société française, pourvu que ces revendications soient exprimées par ses électeurs potentiels. Encore faut-il éviter que certains au sein de cet électorat potentiel n’en viennent à s’interroger sur l’adéquation de leur vote avec les valeurs opposées aux leurs, traditionnellement promues par la gauche. La note, quelque peu provocante, publiée en mars dernier par Terra Nova, plaidant en faveur de « l’émergence d’une puissante citoyenneté musulmane », s’inscrivait, sans doute, dans cette logique. Qu’arrivera-t-il lorsque les différentes composantes de son électorat prendront conscience de l’incompatibilité des valeurs qu’elles défendent ? La gauche risque alors de connaître une hémorragie comparable à celle qui l’a privée de son électorat populaire, mais touchant cette fois les classes moyennes.
André Grjebine - Tribune
(*) C.Dargent, « Musulmans versus catholiques : un nouveau clivage culturel et politique ? », Congrès de l’AFSP, Grenoble, septembre 2009.
André Grjebine est directeur de recherche à Sciences Po, Centre d’études et de recherches internationales.
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Primaires à gauche, (t)rions un peu…
09/06/2011 12:42
A onze mois du premier tour de l'élection présidentielle, aucun des grands partis de gauche n'a de candidat à l'élection présidentielle. C'est le miracle des primaires, qu'analyse Laurent Neumann
Avez-vous eu la curiosité de jeter un coup d'œil dans un dictionnaire pour connaître le sens exact du mot « primaire » ? Voilà un concept qui a tellement d'acceptions, de définitions différentes qu'on finit par en perdre le sens.
Dans son sens premier, « primaire » signifie primitif. A droite par exemple, Marianne et ses lecteurs en savent quelque chose -, on parle d'antisarkozysme primaire pour mieux disqualifier toute critique, fut-elle de bon sens, de la politique menée par le chef de l'Etat.
Dans l'enseignement, le primaire précède le collège. C'est l'âge des apprentissages. Aucun rapport avec le PS qui a déjà fait l'expérience des primaires en 2007 et qui n'en a visiblement tiré aucun enseignement. En géologie, le primaire désigne l'ère située entre le précambrien et le mésozoïque, c'est-à-dire avant les dinosaures, et donc, avant… les éléphants.
En politique, enfin, « primaire » se dit d'un scrutin organisé dans un parti politique pour désigner son candidat à une élection. Aujourd'hui, on organise des primaires au PS, chez les Verts, au PC, mais pas à l'UMP, ni au FN. Ce qui, évidemment, ne signifie pas que ce qui est de gauche est primaire et que ce qui est de droite ne l'est pas ! C'est pourtant, trêve de plaisanterie, l'une des leçons de la séquence politique : à onze mois du premier tour de l'élection présidentielle, aucun des grands partis de gauche n'a de candidat à l'élection présidentielle. Prenez le PS : il y a de nombreux prétendants pour les préliminaires (François Hollande, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, depuis mardi dernier Manuel Vals, sans doute bientôt Martine Aubry), mais combien, au juste, pour le passage à l'acte ? De même, au PC, Jean-Luc Mélenchon devra d'abord se mesurer à André Chassaigne pour savoir s'il est de taille à lutter contre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. Chez les Verts, Mme Joly affrontera d'abord M.Hulot qui, lui, jure finalement qu'il ne passera pas ses vacances avec Jean-Louis Borloo.
Et dire qu'il fut un temps, pas si lointain, où certains vantaient les mérites des primaires de toute la gauche. Finalement, elles ont bien lieu, mais en ordre dispersé. Chacun chez soi. Soyons honnêtes, les primaires du Parti socialiste ont bien plus d'intérêt aujourd'hui que lorsque les sondages donnaient Dominique Strauss-Kahn vainqueur par KO, à la fois de Nicolas Sarkozy et de ses camarades socialistes. Or, c'est au moment où elles prennent tout leur sens que certains, notamment ceux de la coalition « Tous sauf Hollande », leur trouvent soudain tous les défauts du monde. Aux États-Unis, à l'occasion des primaires démocrates, les électeurs avaient fini par choisir Barack Obama plutôt qu'Hillary Clinton, non pas sur son programme – c'était le même que celui de son adversaire – mais sur sa capacité à battre l'adversaire républicain. Est-on sûr que les sympathisants socialistes songent vraiment à désigner celui – ou celle – qui aura le plus d'atouts pour battre Nicolas Sarkozy ? Si tel n'était pas le cas, alors ces primaires risqueraient bien d'être à la gauche et à ses éléphants, ce que le précambrien et le mésozoïque sont à la géologie : primitives !
Laurent Neumann - Marianne
http://www.marianne2.fr/Primaires-a-gauche-t-rions-un-peu_a207110.html
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