|
| Accueil |
Créer un blog |
Accès membres |
Tous les blogs |
Meetic 3 jours gratuit |
Meetic Affinity 3 jours gratuit |
Rainbow's Lips |
Badoo |
[ Gaullisme local ] [ Revues des blogs ] [ Evènements ] [ TV, Radios, Journaux ] [ Lecture gaullienne ] [ Gaulliste libre ]
|
|
|
|
Le risque Tea Party
19/04/2011 07:28
Dans sa chronique pour Radio Nova, Guillaume Duval explique que les coupes budgétaires massives, exigées aux Etats-Unis par le Congrès républicain, constituent une menace pour la reprise économique mondiale.
Vendredi dernier l'administration Obama et les républicains majoritaires à la Chambre des représentants américains ont trouvé in extremis un accord pour éviter un « shut down », la fermeture de la plupart des administrations fédérales américaines. Ce n'est cependant que partie remise dans une guerre qui ne concerne pas que les Américains…
Oui. L'enjeu de cette bataille budgétaire interne aux Etats-Unis est énorme, non seulement pour les Américains mais aussi pour toute l'économie mondiale. De quoi s'agit-il ? Jusqu'en janvier dernier, la Chambre des représentants américaine était dominée par les démocrates mais, avant de se séparer, ils n'avaient pas réussi à voter un budget définitif pour l'année fiscale 2011 qui va du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011. Pour boucler l'année, il fallait donc que Barack Obama négocie avec la nouvelle majorité républicaine de la Chambre des représentants, dominée désormais par les extrémistes du Tea Party.
Les Tea party ont été élus sur la promesse de coupes budgétaires drastiques…
En effet, et c'est la raison pour laquelle la négociation a été très dure et incertaine jusqu'au bout. Au bout du compte un accord a été conclu avec des coupes budgétaires de 38 milliards de dollars, soit 0,3 % du produit intérieur brut (PIB) américain. Mais ce n'est qu'une première étape et la prochaine bataille est déjà programmée : le Congrès américain autorise régulièrement l'Etat fédéral à s'endetter jusqu'à un seuil maximum. Or, le dernier seuil autorisé sera atteint le 16 mai prochain. Il faut donc que, d'ici là, Obama négocie de nouveau avec les républicains pour obtenir le droit de s'endetter davantage. Et les républicains ont prévenu qu'ils exigeront cette fois des coupes budgétaires beaucoup plus importantes…
D'accord, mais en quoi cette bagarre est-elle si importante, y compris pour nous ?
Parce que jusqu'ici, une des principales différences entre l'Europe et les Etats-Unis, était que, tant que le chômage restait élevé, les pouvoirs publics américains ne lésinaient pas pour soutenir l'activité et relancer la machine. Avec comme résultat que, jusqu'ici, les Américains se sont toujours remis plus rapidement des crises que les Européens. A la mi-2007, les ménages et les entreprises américains s'endettaient au rythme de 2 500 milliards de dollars en plus chaque année. A l'heure actuelle, leur endettement tourne autour de zéro et, compte tenu du niveau de la dette des ménages américains, cela devrait durer un moment. Autrement dit, il manque 2 500 milliards de dollars, 17 % du PIB, pour que la machine économique américaine tourne comme il y a quatre ans.
C'est énorme, mais pourtant l'économie américaine est repartie…
Oui, parce que jusqu'à maintenant l'Etat fédéral s'endettait à hauteur de 1 500 milliards de dollars, comblant une bonne partie de ce trou avec en complément le secours des injections massives de liquidités de la Réserve fédérale. S'il devait cesser de le faire dans des proportions significatives, l'activité aurait toutes les chances de rechuter aux Etats-Unis. Et comme les Chinois sont déjà au taquet et qu'on ne peut pas compter sur les Européens, empêtrés dans la crise de l'euro, cela voudrait dire que l'économie mondiale risque de rechuter elle aussi. Les Tea Party ne risquent pas seulement de mettre l'économie des Etats-Unis en danger mais bien celle du monde entier…
Guillaume Duval
http://www.alternatives-economiques.fr/le-risque-tea-party_fr_art_633_53864.html
| |
|
|
|
|
|
|
|
Dominique de Villepin et le programme qui décoiffe
19/04/2011 07:25
Dominique de Villepin subit actuellement des assauts divers contre une mesure choc : le revenu citoyen. Mais est-ce bien cette mesure qui est la clef des propositions présentées le 14 avril 2011 ?
Si la présidentielle 2012 devait tourner à une question referendum, ce serait indiscutablement sur la question du pouvoir d'achat.
Sur cette question, Dominique de Villepin a pris un axe controversé avec le projet de revenu citoyen.
Dans un climat de crise, l'égoïsme s'est installé. Donc un acte de solidarité est déjà à contre-courant. Les "nantis" ne veulent pas payer pour les plus pauvres. Les travailleurs ne veulent pas payer pour les chômeurs. Et bientôt les actifs ne voudront plus payer pour les retraités …
La question est clivante car les bénéficiaires potentiels y voient une ressource légitime ou naturelle avec des contreparties contraignantes tandis que les non-bénéficiaires y voient une dépense de plus donc une imposition de plus à terme selon des modalités diverses.
Les bénéficiaires y voient de la dignité là où les non-bénéficiaires y voient une forme nouvelle de charité publique.
Bien davantage, les contreparties dont des travaux de proximité assurés selon des modalités de ce type ne seront-elles pas des marchés retirés de la zone marchande classique dont le réseau des artisans ou des TPE ?
C'est une proposition qui va susciter de nombreux débats et qui se précisera dans la durée.
C'est à ce jour la proposition qui retient le plus l'attention.
Pour autant la proposition la plus novatrice réside peut-être ailleurs : la nouvelle organisation des régions et le néo-fédéralisme qu'elle contient à terme.
L'Etat est aujourd'hui le "nouveau pauvre" du nouveau siècle.
Habitué à la culture du "qui paye commande", il ne commande plus rien parce qu'il ne paye significativement plus rien.
La redistribution globale des compétences est la probable "planche de salut de l'Etat".
C'est une logique qui casse la culture traditionnelle de l'Etat providence, portée par une approche généraliste de masse.
C'est la première proposition de ce type qui conduit à ouvrir le nécessaire débat de l'aménagement du territoire aujourd'hui paralysé par une décentralisation qui a multiplié les pouvoirs, les administrations, les clientélismes et l'impuissance globale qui découle de cette confusion généralisée.
C'est probablement le sujet majeur des prochaines années parce que le redéploiement du secteur public est le seul moyen pour affronter de façon responsable le dossier de la dette publique qui s'avère incontournable à très court terme.
Les retours du terrain seront très instructifs au moment où les militants de cette formation politique intensifient le dialogue de proximité à l'exemple des actions conduites par la très dynamique fédération du Vaucluse de République Solidaire.
| |
|
|
|
|
|
|
|
François Bayrou et la solitude attitude
19/04/2011 07:22
François Bayrou serait de plus en plus confiant à en croire les confidences de proches.
En 2012, François Bayrou veut incarner trois qualités : - la solitude supposée le distinguer des candidats d'appareils, - le terroir supposé le différencier des candidats de Paris, - la vérité supposée le distinguer de ... tous les autres candidats en dehors de lui.
La vérité, le leader centriste souhaite l'appliquer à la dette publique comme gifle adressée à tous les leaders qui veulent l'ignorer.
Il sait que les "gifles" ont toujours été le lancement de ses campagnes présidentielles : - en 2002, vis à vis d'un jeune qui lui faisait les poches pendant une visite de quartier, - en 2007, vis à vis des médias qui le marginalisaient trop à l'en croire.
Et 2012 ce serait la gifle à tous les autres candidats accusés de cacher la vérité donc de mentir au moins par omission.
http://exprimeo.fr/article/6710/francois-bayrou-et-la-solitude-attitude.htm
| |
|
|
|
|
|
|
|
Garde à vue: comment Sarkozy a trop tardé à réformer
19/04/2011 07:18
Deux ans et demi que le problème de la garde à vue est sur la table. Il a fallu attendre des décisions du Conseil Constitutionnel et de la Cour de cassation pour que le gouvernement fasse enfin une réforme à la va-vite, quitte à bousculer tout le monde.
Il y a des exceptions qui confirment la règle. Si le chef de l’Etat, son gouvernement, ainsi que quelques députés UMP sont prêts à alourdir le Code pénal à chaque fait divers, il y a des cas où le pouvoir politique a fait preuve d’une totale inertie juridique. Le récent arrêt de la Cour de cassation a surpris tout le monde en indiquant que les nouveaux principes de la garde à vue, impliquant notamment la présence de l’avocat durant l’interrogatoire et le droit au silence, étaient d’application immédiate comme droits garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme, texte de valeur supérieure aux lois nationales. Face à l’urgence, le ministère de la Justice a donc décidé que la nouvelle réforme de la garde à vue devait être appliquée tout de suite, même si la loi dit qu’elle n’entrera en vigueur... qu’à partir du 1er juin. On nage alors dans l’absurde. Du jour au lendemain, policiers, gendarmes et avocats ont donc basculé dans un nouvel univers juridique. A charge pour eux de s’adapter.
Et personne n’est content. Les forces de l’ordre se plaignent des difficultés posées lors des enquêtes et de l’absence de locaux adaptés pour permettre un entretien confidentiel entre le suspect et son avocat. Les travaux d’aménagement sont estimés à 21 millions. Les avocats pestent aussi. Les bâtonniers de Vannes et Créteil ont d’ores et déjà appelé leurs troupes à ne pas appliquer immédiatement la réforme et à attendre le 1er juin. Ils protestent contre la rémunération des avocats au titre de l’aide juridictionnelle (lorsque l’Etat prend en charge les frais de justice des personnes modestes). Pour l’instant, ces derniers seraient rémunérés 300 euros bruts pour 24 heures de présence alors que le Conseil national des barreaux réclame la somme de 366 euros. Les avocats de Seine-saint-Denis étaient d’ailleurs en grève à ce sujet la semaine dernière.
Personne ne semblait préparé aux conséquences de cet arrêt de la Cour de Cassation (pris en assemblée plénière). Pourtant, ce camouflet n’est pas le premier. En octobre, la chambre criminelle de la Cour avait déjà déclaré le régime de la garde à vue contraire à la Convention européenne pour absence d'un avocat lors de l'interrogatoire. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), chargée de faire respecter la Convention, avait déjà sanctionné la garde à vue française quelques jours plus tôt pour non respect du droit au silence. En juillet, le Conseil Constitutionnel, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, avait déclaré le régime de la garde à vue contraire aux droits fondamentaux notamment les droits de la défense. Mais dans ce cas, le Conseil, suivi par la chambre criminelle de Cour de cassation, avait laissé au gouvernement jusqu'au 01 juillet 2011 pour modifier la loi dans le bon sens. L'assemblée plénière de la Cour s'est montrée plus pressée.
Des critiques dès 2009
Ces critiques juridiques à l’égard de la garde à vue à la française ne datent pas d’hier. Mais, paradoxalement, la première alerte est venue de décisions concernant … la Turquie. En effet, la Turquie, comme la France, est soumise à la Convention européenne. Et par deux arrêts condamnant Ankara en novembre 2008 et octobre 2009, la CEDH a rappelé que pour garantir un « procès équitable », la présence d’un avocat était requise tout au long de la garde à vue.
Après le deuxième arrêt de la Cour européenne en octobre 2009, les réactions n’ont pas tardé. Le Syndicat de la Magistrature et le Syndicat des Avocats de France ont rédigé une lettre ouverte. Me Christian Charrière-Bournazel, à l’époque bâtonnier de Paris, a aussi prévenu des conséquences des arrêts de la CEDH. Au niveau politique, Michèle Alliot-Marie, encore ministre de la Justice, a été interrogée à plusieurs reprises par des députés et sénateurs essentiellement de gauche via des questions écrites. Mais elle leur a répondu, en avril 2010, que tout allait bien : « Le droit français en vigueur pour les infractions de droit commun satisfait à cette exigence précise (de l’assistance d’un avocat, ndlr) puisqu'il autorise le gardé à vue à s'entretenir confidentiellement, dès le début de la garde à vue, avec un avocat ».
Sauf que la jurisprudence de la Cour européenne n’impose pas qu’une simple entrevue en début d’interrogatoire mais bel et bien une assistance réelle tout au long de la procédure. « La discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer », précise la Cour dans son arrêt d’octobre 2009. Mais, sentant sans doute le danger, Michèle Alliot-Marie a renvoyé les parlementaires vers la réforme de la procédure pénale. Un projet avorté car seules subsisteront les mesures sur la garde à vue.
Le ministère de la Justice désavoué
On pourrait excuser MAM en disait que les arrêts de la CEDH ne concernaient pas directement la France. Mais entre les questions posées par les parlementaires et la réponse de la ministre, des tribunaux français ont appliqué la jurisprudence de la CEDH et fait annuler des gardes à vues s’étant déroulées sans la présence d’un avocat. C'est notamment le cas du Tribunal correctionnel de Paris en février 2010. Le Tribunal avait alors retoqué cinq gardes à vues en précisant dans ses attendus que le rôle du juge était « de faire prévaloir la Convention européenne, d’application directe en droit national ». L’article 55 de la Constitution prévoit en effet que les traités internationaux ont une « autorité supérieure » aux lois nationales. En cas de conflit, ici entre le droit français sur la garde à vue et la Convention européenne, le juge doit se baser le traité international.
Cette disposition va être mise en débat dès décembre 2010. Mais, malgré ce nouvel avertissement, Michel Mercier, nouveau ministre de la Justice, va rester aussi inerte que MAM. A cette époque, à Lyon, des juges s’opposaient au parquet général sur les règles à appliquer en cas de garde à vue. Les juges lyonnais arguaient qu’au vu de la jurisprudence de la CEDH, la présence continue de l’avocat devait s’appliquer sans attendre la nouvelle loi. Le même argument développé par la Cour de cassation dans son arrêt du 15 avril dernier. Pourtant, interrogé à l’époque par Marianne2, le ministère de la Justice avait récusé toute application immédiate au nom de la « sécurité juridique » : « Laissons à la réforme le temps d'entrer en vigueur ». Quatre mois plus tard, la Cour de Cassation donnera tort au ministère et raison aux juges lyonnais, obligeant ainsi une application en urgence de la réforme.
Mais la droite n’est pas seule responsable de ce fiasco. La gauche, le gouvernement Jospin en l’occurrence, y a aussi contribué. En effet, pour justifier sa décision de juillet dernier, le Conseil Constitutionnel a dénoncé le recours systématique à la garde à vue, qui devient le plus souvent « la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne mise en cause » et mérite donc un encadrement plus strict. Car, en quelques années, le nombre de gardes à vue en France a explosé passant de 336 718 en 2001 à sans doute à plus de 800 000 en 2010. Au delà de la hausse de la délinquance, bien sûr, le Conseil Constitutionnel explique ce chiffre notamment par la « réduction des exigences conditionnant l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire » aux forces de l’ordre. Or, seuls les OPJ ont le pouvoir de mettre quelqu’un en garde à vue.
Jospin responsable ?
Dans l’imaginaire collectif, « officier de police » renvoie aux policiers gradés comme les lieutenants. Mais, en novembre 1998, la gauche a fait passer une loi permettant aux policiers en tenue (gardiens de la paix, brigadiers-chefs et autres) d’être qualifiés comme OPJ, après trois ans de service, un exament et avis conforme d’une commission. L'objectif était, dans le cadre de la police de proximité, de permettre aux simples policiers de quartier d'avoir les coudées franches. De ce fait, le nombre d’OPJ a augmenté de 24% entre 2003 et 2009 passant de 20 794 à 25 864 au profit des policiers en tenue qualifiés comme OPJ. Les effectifs de ces derniers ont augmenté de 164% durant cette période, alors que le nombre d’officiers (du lieutenant au commandant) a baissé de 12% et de commissaires de 16%.
Bref, la réforme du gouvernement Jospin a contribué a augmenté le nombre de policiers pouvant placer quelqu’un en garde à vue, actant ainsi sa banalisation... dénoncée 12 ans plus tard par le Conseil Constitutionnel. Preuve que la gauche et la droite ont visiblement tout fait pour abattre le régime français de la garde à vue. Si les suspects viennent d’obtenir le droit au silence, certains ministres se sont attribués depuis longtemps le droit d’être sourds.
Tefy Andriamanana - Marianne
| |
|
|
|
|
|
|
|
Qu'est-ce qu'une nation ? Ernest Renan (2/6)
18/04/2011 11:57
CHAPITRE 1 suite
Qu'est-ce qui caractérise, en effet, ces différents États ? C'est la fusion des populations qui les composent. Dans les pays que nous venons d'énumérer, rien d'analogue à ce que vous trouverez en Turquie, où le Turc, le Slave, le Grec, l'Arménien, l'Arabe, le Syrien, le Kurde sont aussi distincts aujourd'hui qu'au jour de la conquête. Deux circonstances essentielles contribuèrent à ce résultat. D'abord le fait que les peuples germaniques adoptèrent le christianisme dès qu'ils eurent des contacts un peu suivis avec les peuples grecs et latins. Quand le vainqueur et le vaincu sont de la même religion, ou plutôt, quand le vainqueur adopte la religion du vaincu, le système turc, la distinction absolue des hommes d'après la religion, ne peut plus se produire. La seconde circonstance fut, de la part des conquérants, l'oubli de leur propre langue. Les petits-fils de Clovis, d'Alaric, de Gondebaud, d'Alboïn, de Rollon, parlaient déjà roman. Ce fait était lui-même la conséquence d'une autre particularité importante ; c'est que les Francs, les Burgondes, les Goths, les Lombards, les Normands avaient très peu de femmes de leur race avec eux. Pendant plusieurs générations, les chefs ne se marient qu'avec des femmes germaines ; mais leurs concubines sont latines, les nourrices des enfants sont latines ; toute la tribu épouse des femmes latines ; ce qui fit que la lingua francica, la lingua gothica n'eurent, depuis l'établissement des Francs et des Goths en terres romaines, que de très courtes destinées. Il n'en fut pas ainsi en Angleterre ; car l'invasion anglo-saxonne avait sans doute des femmes avec elle ; la population bretonne s'enfuit, et, d'ailleurs, le latin n'était plus, ou même, ne fut jamais dominant dans la Bretagne. Si on eût généralement parlé gaulois dans la Gaule, au Ve siècle, Clovis et les siens n'eussent pas abandonné le germanique pour le gaulois.
De là ce résultat capital que, malgré l'extrême violence des mœurs des envahisseurs germains, le moule qu'ils imposèrent devint, avec les siècles, le moule même de la nation. France devint très légitimement le nom d'un pays où il n'était entré qu'une imperceptible minorité de Francs. Au Xe siècle, dans les premières chansons de geste, qui sont un miroir si parfait de l'esprit du temps, tous les habitants de la France sont des Français. L'idée d'une différence de races dans la population de la France, si évidente chez Grégoire de Tours, ne se présente à aucun degré chez les écrivains et les poètes français postérieurs à Hugues Capet. La différence du noble et du vilain est aussi accentuée que possible ; mais la différence de l'un à l'autre n'est en rien une différence ethnique ; c'est une différence de courage, d'habitudes et d'éducation transmise héréditairement ; l'idée que l'origine de tout cela soit une conquête ne vient à personne. Le faux système d'après lequel la noblesse dut son origine à un privilège conféré par le roi pour de grands services rendus à la nation, si bien que tout noble est un anobli, ce système est établi comme un dogme dès le XIIIe siècle. La même chose se passa à la suite de presque toutes les conquêtes normandes. Au bout d'une ou deux générations, les envahisseurs normands ne se distinguaient plus du reste de la population ; leur influence n'en avait pas moins été profonde ; ils avaient donné au pays conquis une noblesse, des habitudes militaires, un patriotisme qu'il n'avait pas auparavant.
L'oubli, et je dirai même l'erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d'une nation, et c'est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger. L'investigation historique, en effet, remet en lumière les faits de violence qui se sont passés à l'origine de toutes les formations politiques, même de celles dont les conséquences ont été le plus bienfaisantes. L'unité se fait toujours brutalement ; la réunion de la France du Nord et de la France du Midi a été le résultat d'une extermination et d'une terreur continuée pendant près d'un siècle. Le roi de France, qui est, si j'ose le dire, le type idéal d'un cristallisateur séculaire ; le roi de France, qui a fait la plus parfaite unité nationale qu'il y ait ; le roi de France, vu de trop près, a perdu son prestige ; la nation qu'il avait formée l'a maudit, et, aujourd'hui, il n'y a que les esprits cultivés qui sachent ce qu'il valait et ce qu'il a fait.
C'est par le contraste que ces grandes lois de l'histoire de l'Europe occidentale deviennent sensibles. Dans l'entreprise que le roi de France, en partie par sa tyrannie, en partie par sa justice, a si admirablement menée à terme, beaucoup de pays ont échoué. Sous la couronne de saint Étienne, les Magyars et les Slaves sont restés aussi distincts qu'ils l'étaient il y a huit cents ans. Loin de fondre les éléments divers de ses domaines, la maison de Habsbourg les a tenus distincts et souvent opposés les uns aux autres. En Bohême, l'élément tchèque et l'élément allemand sont superposés comme l'huile et l'eau dans un verre. La politique turque de la séparation des nationalités d'après la religion a eu de bien plus graves conséquences : elle a causé la ruine de l'Orient. Prenez une ville comme Salonique ou Smyrne, vous y trouverez cinq ou six communautés dont chacune a ses souvenirs et qui n'ont entre elles presque rien en commun. Or l'essence d'une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses. Aucun citoyen français ne sait s'il est burgonde, alain, taïfale, visigoth ; tout citoyen français doit avoir oublié la Saint-Barthélemy, les massacres du Midi au XIIIe siècle. Il n'y a pas en France dix familles qui puissent fournir la preuve d'une origine franque, et encore une telle preuve serait-elle essentiellement défectueuse, par suite de mille croisements inconnus qui peuvent déranger tous les systèmes des généalogistes.
La nation moderne est donc un résultat historique amené par une série de faits convergeant dans le même sens. Tantôt l'unité a été réalisée par une dynastie, comme c'est le cas pour la France ; tantôt elle l'a été par la volonté directe des provinces, comme c'est le cas pour la Hollande, la Suisse, la Belgique ; tantôt par un esprit général, tardivement vainqueur des caprices de la féodalité, comme c'est le cas pour l'Italie et l'Allemagne. Toujours une profonde raison d'être a présidé à ces formations. Les principes, en pareils cas, se font jour par les surprises les plus inattendues. Nous avons vu, de nos jours, l'Italie unifiée par ses défaites, et la Turquie démolie par ses victoires. Chaque défaite avançait les affaires de l'Italie ; chaque victoire perdait la Turquie ; car l'Italie est une nation, et la Turquie, hors de l'Asie Mineure, n'en est pas une. C'est la gloire de la France d'avoir, par la Révolution française, proclamé qu'une nation existe par elle-même. Nous ne devons pas trouver mauvais qu'on nous imite. Le principe des nations est le nôtre. Mais qu'est-ce donc qu'une nation ? Pourquoi la Hollande est-elle une nation, tandis que le Hanovre ou le grand-duché de Parme n'en sont pas une ? Comment la France persiste-t-elle à être une nation, quand le principe qui l'a créée a disparu ? Comment la Suisse, qui a trois langues, deux religions, trois ou quatre races, est-elle une nation, quand la Toscane, par exemple, qui est si homogène, n'en est pas une ? Pourquoi l'Autriche est-elle un État et non pas une nation ? En quoi le principe des nationalités diffère-t-il du principe des races ? Voilà des points sur lesquels un esprit réfléchi tient à être fixé, pour se mettre d'accord avec lui-même. Les affaires du monde ne se règlent guère par ces sortes de raisonnements ; mais les hommes appliqués veulent porter en ces matières quelque raison et démêler les confusions où s'embrouillent les esprits superficiels.
Ernest Renan - Qu'est-ce qu'une nation : Conférence faite en Sorbonne, le 11 mars 1882
http://blogrepublicain.hautetfort.com/
| |
|
|
|
|